Fanny George, Corps et âme

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Sur son compte Instagram, elle poste des photos magnifiques de corps en mouvement, elle, seule, ou avec un cheval blanc, un mini soleil dans les mains, ses jambes en l’air, ses bras courbés, une danseuse qui bouge dans l’espace. Fanny George convoque la beauté des impulsions figée pour un instant sur nos smartphones…

Un petit côté Natalie Portman dans Black Swan, elle porte un prénom qui sent la Provence et les textes de Pagnol, mais elle est strasbourgeoise.
Fanny George est un défi à la laideur du monde, à la bêtise et la boue, elle inspire tout le contraire, elle est la grâce sous toutes ses formes. Elle danse comme elle respire, Fanny, sa beauté électrique circule comme l’oxygène sur Terre. J’en fais trop ? Oui, peut-être, mais quand on regarde danser cette jeune fille d’à peine trente printemps, il y a de quoi s’emballer…

Une vie de danseuse

Entourée d’amour depuis ses premiers petits pas, une jeunesse avec sa sœur jumelle à l’école Steiner pour développer sa fibre artistique, un papa boulanger pour le goût des bonnes choses, Fanny ne manque de rien. Sa maman fait tout pour que les deux sœurs ne se ressemblent que physiquement, alors au départ, l’une fera de la gymnastique, l’autre de l’équitation. Mais Fanny n’accroche pas avec les chevaux, elle préfère la gym rythmique et retrouve sa sœur. Qui se ressemble s’assemble ! Elles ont sept ans. La GR est un mélange de contorsion et de danse, bien accroché au sol. Les entraînements sont complétés par des cours de danse classique. Les filles entrent dans la danse, regardent des vidéos et des spectacles au Ballet du Rhin, puis s’inscrivent en fac d’art du spectacle, option danse, logique. À 18 ans, elles rencontrent un chorégraphe, Richard Caquelin, première audition, premier contrat. La voie est tracée.
Elles enchaînent les spectacles dans la région, une vie d’artiste.

Strasbourg comme port d’attache

Mais sa sœur n’est pas faite pour ce destin-là, ni son corps, ni son âme. Fanny c’est le contraire, elle dansera jusqu’à ce que corps s’ensuive. Corps et âme. Sans spécialité, la diversité est sa force, elle de débrouille dans tous les styles, de classique au Jazz. Sauf le ballet, car elle n’a pas travaillé « les petites batteries, les petits sauts, la rapidité » qui s’enseigne très tôt, mais « je danse dans tous les sens », révèle-t-elle.
Fanny est engagée dans des spectacles de cirque, les tournées d’été de la Choucrouterie, elle fait des chorégraphies pour le metteur en scène Lionel Courtot dans Le vent de mai. Elle travaille tout le temps, ici à Strasbourg, ce grand village qui pense à elle dès qu’il s’agit de bondir.
Elle a bien pensé quitter la région et tenter l’aventure, la grande, mais Fanny est une sentimentale, très attachée à sa famille, à son chéri : « Si je voulais aller plus loin dans mon métier, il faudrait partir, mais il y a des gens de qualité qui travaillent à Strasbourg, des artistes complets. » Alors elle reste là, elle enchaîne les cachets, s’occupe des « petites » à Strasbourg GRS, elle forme à la compétition dans le club qu’elle n’a jamais quitté, elle enseigne aussi, donne des cours de danse à l’association Génération Cirque, une façon de préparer l’après, quand son corps lâchera, car cela arrivera un jour, elle le sait. Fanny a déjà connu la blessure, quatre mois sans bouger, sans danser, des moments où l’on se dit « sans corps, je ne suis plus rien », où l’on apprend à écouter cet instrument de travail qui n’est pas une machine, pour éviter la rupture et pour prolonger sa vie, de danseuse.

À un tournant de sa vie

Quand elle parle, Fanny est aussi à l’aise que sur le sol, elle bouge les mots dans la même trajectoire que son corps, heureuse de dire ses joies et puis, à un moment, quand la confiance s’est installée, quand elle contrôle moins les choses, elle devient plus sincère encore.
Même si elle connaît sa valeur, si elle s’est battue pour en arriver là, elle trouve que la chance lui a souri : « Je connais des danseuses qui passent leur vie dans les auditions, à stresser parce qu’elles ne trouvent pas de contrat. Moi, je ne suis pas très courageuse… Ici, à Strasbourg, c’est plus facile, il y a moins de concurrence. Je suis dans le petit noyau auquel on pense quand on monte un spectacle avec des danseuses. Rester ici, c’est la facilité en fait. Il y a quelques années, j’ai passé un peu de temps à New York, j’ai suivi quelques cours, le niveau était hallucinant. Le courage serait d’aller se confronter à cet autre monde, à quinze mille filles qui ont les mêmes compétences que moi. Je suis un peu lâche. J’ai plus d’attachements en Alsace que d’ambitions… », avoue la danseuse.
C’est une fuite, ou alors le courage, finalement ? Pour se donner la liberté de continuer ? En ce moment, elle cogite, elle sait qu’elle est à un tournant de sa vie ; à trente ans, le choix de continuer ou de penser à vivre autrement, de fonder une famille, lui trotte dans la tête. Mais elle fera confiance à la vie et puis, quand son corps dira stop, définitivement, Fanny la danseuse restera « passionnée du corps en mouvement » comme il est écrit sur son compte Instagram. Ce jour-là, elle retombera sur ses pieds, seule, face à elle-même.