Label épopée de Bloody Mary

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Marie Vialle. Un nom qui commence à se répandre dans tout l’Est de la France. La fondatrice du label indé Bloody Marie Music and Records est une exception, presque, dans un monde très masculin. Une place qu’elle assume pleinement, forte d’une envie, d’une passion musicale et d’une pugnacité qui lui valent non seulement la confiance des artistes avec lesquels elle travaille mais également d’un nombre croissant de ses aînés, jusqu’à Paris, temple clos de la scène musicale nationale.

Entre-deux années. 31-1er. Brunch-dej-dîner-souper trendy-arty-stammtisch.
« Ah, bah du coup tu vas enfin rencontrer Marie ! Ca fait combien de temps déjà ? » « Déjà quoi ? » « Que tu aurais dû la croiser. 20-25 ans ? » « Oui, depuis le temps que l’on se connait, toi et moi, ça doit faire ça ». Nuit, jour, re-nuit, plats, grands crus, moins grands grands crus, café, soupe, tout s’enchaîne, tout (y) passe. Sauf Marie, restée sans doute coincée entre deux espaces temps comme une jolie bande son de The Last Morning Soundtrack.

The Last Morning, l’autre moment : celui d’une soirée de bruine de fin d’hiver, Galerie No Smoking à un Zeplin de verre de distance de deux rangées de rails SNCF. « C’est donc toi, Marie. Ravi de faire enfin ta connaissance. Depuis le temps que j’entends parler de toi, de ton travail… ». Discussion, un peu, sous le haut-vent pleinement smoking de la petite galerie concert, alors que ses protégés d’un soir, de ceux qu’elle fait alors tourner, s’accordent avec le public. Premiers échanges, qui en amèneront d’autres. Deux ans après cette première rencontre, Marie a depuis gravi de nouvelles marches. Bloody Mary Music & Records s’est fait un petit nom et force le respect.

Presque une chaîne alimentaire en soi

Un BTS en administration de la production audiovisuelle du Lycée Viette en poche, Marie débute pourtant loin de son aventure actuelle. Comme administratrice de compagnie en 2003 avant de s’intégrer progressivement dans le milieu du spectacle à Strasbourg, en accompagnant des trajectoires d’artistes de théâtre. Son rôle ? Diffuser, administrer, promouvoir. Presque une chaîne alimentaire en soi. Puis, passage par la couveuse de coopérative d’artistes Artenréel, où Marie devient entrepreneur salariée. Vient ensuite 2009, l’année du premier rêve assouvi : bosser pour la compagnie Flash Marionnettes. « Presque 10 ans, où j’ai pu voir tous les aspects du métier avec 150 dates par an à gérer : construction de tournées, paie, compta ». Là aussi, tout y passe.

Mais reste encore un second rêve à Marie, encore inassouvi : « bosser dans la musique ». En 2013, elle sème alors ses premières graines. Intègre à titre bénévole le collectif KIM. Puis, parallèlement, la Fédération de musiques actuelles Hiero Strasbourg deux ans durant. Ces deux expériences cumulées lui permettent progressivement de créer son propre réseau jusqu’à se sentir plus ou moins prête à prendre son envol et de fonder Bloody Mary Music and Records. C’est là, qu’intervient cette curiosité d’entre deux ans, de Brunch-dej-dîner-souper trendy-arty-stammtisch. Découvrir celle –passée du statut de connaissance « virtuelle » de lycée à celui de jeune femme au parcours qui ne lasse pas de surprendre.

Marie Vialle

Instigatrice d’épopées pop

Rencontrés via le collectif KIM, Adam & the Madams sont les premiers à la suivre dans sa nouvelle vie : création d’une association de valorisation de la scène musicale indépendante, passage de salons pro en salons pro, où Marie renforce son fichier contacts. Des patrons de festivals, de café-concerts ou de scènes de musiques actuelles. Et la « chance », savoure-t-elle, d’entrer parallèlement dans le dispositif d’accompagnement Laiterie Artefact, qui ouvre à ses protégés les portes de ses deux salles. Premières parties d’artistes, « Scènes d’Ici », l’aventure est lancée.

Qu’elle les accompagne tout au long de la chaîne artistique ou qu’elle ne les booke que quelques soirs par mois pour le compte d’autres labels, Marie gagne progressivement la confiance professionnelle de petites pépites de la scène indé : Pause Kino (électro pop), The Walk (rock), Marxer, Polaroïd 3 (trip hop), Manuel Etienne (indie pop) Julien Bouchard (indie pop), Claire Faravarjoo (électro pop), Solaris Great Confusion (indie folk), Féroces (post rock nouvelle vague), Toxic Kiss (rock), Kings love Jacks (électro instrumentale), Caesaria (électro pop rock), Ingmar (jazz rock cinématographique – sans cinéma), Toxic Kiss (rock). Tous, qu’ils intègrent directement son écurie ou travaillent en lien avec elle, lui accordent une jolie confiance et lui permettent de se positionner comme « une sorte d’instigatrice d’épopées pop » du Grand Est. Mieux, certains de ces groupes vont jusqu’à signer leur album chez elle : Adam and The Madams, dont le prochain sortira au printemps 2018, Pause Kino, à la même époque, ou encore Polaroïd 3 avec son très remarqué Rivers – en co-label avec Oh !

L’aventure aurait pu s’arrêter là, mais Marie franchit les marches sans discontinuer. Se voit offrir une fois par mois, une carte blanche à l’Espace culturel de Vendenheim. Une « chance » qu’elle couple à la création de « Scènes de bus » en partenariat avec la licence de musiques actuelles de l’Université de Strasbourg et les photographes et vidéastes Manon Badermann et Emilie Fux. Le principe : proche des concerts à emporter de la Blogothèque ou des Scènes de Bain. À ceci près que les siens se joue sur la route, sur le trajet menant à Vendenheim, afin de créer du lien entre les publics et les artistes. De pousser un peu plus loin encore la rencontre artistique. Le tout diffusé ensuite sur les réseaux sociaux.

Deux heures que l’on discute. Frustration, presque de ne pouvoir tout retranscrire tant Marie a à dire. Sur un métier où l’investissement personnel et financier ne se compte pas, sur l’importance d’intégrer certains cercles fermés parisiens pour donner écho aux artistes qui la suivent, mais également sur cette bienveillance du milieu sur cette jeune femme quand au détour d’un déjeuner précédent notre rencontre, un professionnel reconnu du secteur la résumait finalement en une phrase : « Marie, toi tu vas réussir dans le métier parce que tu es quelqu’un d’intègre et de pugnace ».
Deux mots qui, oui, la résument bien.

Pour en savoir plus : Bloody Mary Music and Records