Portrait de Pascal Bastien, photographe
Pascal Bastien est un homme discret. Un photographe à visage humain. Presque glissant. Un photographe qui aime les portraits. Parfois, il cadre large comme pour nous permettre de mieux voir l’essentiel. La photographie consiste parfois à prendre du recul et permettre au regard d’être plus profond.
Une enfance à regarder son père faire ses tournées de facteur, lui a sûrement donné le goût de la marche et de la besace. Depuis plus de vingt ans, ce photographe strasbourgeois travaille en commande pour Libération, Le Monde, The New York Times, le magazine du Monde M, l’Obs, Die Zeit, la Vie, le Pèlerin, Causette, La Croix, Le Parisien Magazine, De Standaard, Courrier Internationnal… Il collectionne dans sa mémoire photographique quelque chose sur Strasbourg, sur l’Europe et le monde qui change inexorablement.
– Pourquoi êtes-vous devenu photographe ?
– Ça m’a toujours plu. A 11 ans, je piquais déjà le Zenith de mon père, cela doit conforter mon coté contemplatif. Le dessin a failli prendre le dessus, mais à la fin de mes études artistiques la magie photographique a été plus forte.
– Pour vous, c’est quoi une belle photographie ?
– C’est une image juste, la bonne distance du photographe face au sujet…
– Qui vous a influencé ?
– La plus grande révélation a été, au début des années 90, Raymond Depardon. Il s’affranchissait de l’instant décisif et ses cadrages étaient parfaits, son regard sur le monde tellement personnel.
– Et qui vous influence encore aujourd’hui ?
– Aujourd’hui, mon travail personnel est plus influencé par le travail de Max Pam des années 70 à 90, avec sa façon de montrer le monde avec poésie. Une photographie pas très démonstrative et nonchalante.
– Votre plus belle anecdote de photographe ?
– Mon premier reportage en numérique, vers 2003. Libé m’avait prêté un appareil, c’était un reportage dans l’ouest vosgien. Le boitier a fait 3 photos et l’obturateur s’est cassé. Evidemment, je devais envoyer mes images le soir même… Un copain qui couvrait le même événement que moi pour l’AFP, m’a passé son boitier. Cette confraternité a sauvé mon reportage. Depuis lors, je pars toujours avec un deuxième appareil, et je n’hésite jamais à aider un copain en difficulté.
– Quelle relation entretenez-vous avec Strasbourg en tant que photographe ?
– C’est la ville où je travaille, je la photographie beaucoup à travers des histoires de personnes. Je ne la regarde plus beaucoup, mais dernièrement j’ai pris le temps de mieux l’observer, pour des photos de la Neustadt. C’était agréable. J’y ai découvert encore des choses que je ne connaissais pas. La photo sert surtout à aiguiser ma curiosité.
– Sur quel projet travaillez-vous actuellement ?
– Je travaille sur une exposition qui aura lieu à Cap d’Ail l’été prochain ou en novembre 2018 pour le mois de la photo, dans un lieu magnifique, la Villa les Camélias, un musée privé à deux pas de Monaco. Je vais également essayer de préparer un nouveau livre pour la rentrée 2018.
– Livre, expo, résidence : quel(le) photographe ou quelle photographie vous a touché ces derniers mois ?
– Parlons d’une expo qu’on peut voir actuellement à Strasbourg, celle de Pentti Sammallahti à Stimultania.
– Que diriez-vous à un jeune photographe qui débute ?
– De faire ce qu’il a envie, sans se soucier de la mode du moment.
– Y a-t-il assez de lieux consacrés à la photographie à Strasbourg ?
– Oui et non. Les lieux qui montrent de la photographie exposent toujours un peu les mêmes boulots : des photographes qui tournent le plus souvent dans des espaces similaires dans d’autres villes de France. Ce sont de belles expos, mais elles sont là aussi pour rassurer les financeurs publics. Je regrette la programmation pleine de liberté de Chambre à Part des années 2000, dans la cave d’In Extremis où plus de la moitié des expos étaient des premières expos. Il y avait des choses bien, pas toujours, mais c’était toujours nouveau et singulier.
– Utilisez-vous encore l’argentique ou bien avez-vous totalement basculé sur le numérique ? Et pourquoi ?
– Mon travail personnel est presque totalement réalisé en argentique, c’est pour moi une façon de changer ma pratique par rapport à mon travail professionnel entièrement réalisé en numérique. C’est aussi une façon d’aller plus doucement, de prendre le temps de réfléchir aux images, aux cadrages, de partir une journée et réaliser 12 images sur un film format 6×6.