Qui a tué mon Père

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L’histoire de ce texte est un engagement, il fait naître « une littérature de confrontation », affirme l’auteur Édouard Louis. L’histoire de ce texte est une invitation de Stanislas Nordey, une invitation qui ne se refuse pas. Le livre, paru en 2018, et dont le metteur en scène et directeur du TNS obsédé par la création contemporaine fut le premier lecteur, est devenu un spectacle créé en mars au Théâtre de la Colline à Paris. Il est à Strasbourg du 2 au 15 mai au TNS.

Un père et un fils ne se trouvent pas, « ils restent absents l’un de l’autre » écrit Édouard Louis.
C’est l’histoire d’un retour. L’auteur n’a pas vu son père depuis quatre ans quand il revient le voir. Il a 21 ans, son homosexualité l’a obligé à fuir. Son père, la cinquantaine, est détruit, son corps meurtri. Proche de la mort, sociale. Un père écrasé par le monde dans lequel il vit.
Le texte devient de plus en plus politique au fil des pages. Et Édouard Louis accuse : « Hollande, Valls, El Khomri, Hirsch, Sarkosy, Macron, Bertrand, Chirac. L’histoire de ta souffrance porte des noms. L’histoire de ta vie est l’histoire de ces personnes qui se sont succédé pour t’abattre. L’histoire de ton corps est l’histoire de ces noms qui se sont succédé pour te détruire. L’histoire de ton corps accuse l’histoire politique ».

On comprend mieux ce qui se passe dans les rues depuis des mois

Il y a des meurtriers qui ne sont jamais nommés pour les meurtres qu’ils ont commis. Louis écrit les noms, les dates des crimes. Août 2017, quand le gouvernement Macron retire cinq euros par mois aux Français les plus précaires : « Macron t’enlève la nourriture de la bouche », écrit Louis.
Quand on lit Qui a tué mon père, on comprend mieux ce qui se passe dans les rues les samedis après-midi depuis des mois. On entend plus distinctement la colère des classes populaires, des exclus, que les politiques qualifient de fainéants sans jamais les croiser, qu’ils éliminent du revers de la main.
Ces gens, qui, quand il leur reste du courage et de la dignité, défilent dans la rue avec un gilet jaune, loin des préoccupations des « dominants » : « Un gouvernement ne leur cause jamais de problèmes de digestion, un gouvernement ne leur broie jamais le dos, un gouvernement ne les pousse jamais vers la mer. La politique ne change pas leur vie, ou si peu… Pour les dominants, le plus souvent, la politique est une question esthétique : une manière de se penser, une manière de voir le monde, de construire sa personne. Pour nous, c’était vivre ou mourir », écrit Édouard Louis, qui avait tout vu avant tout le monde, dans ce petit livre d’une beauté brutale.
Vivre, parfois, c’est mourir peu à peu dans le silence du monde. Voilà ce que dit Qui a tué mon père et le théâtre est le meilleur lieu du crime pour l’entendre.

 

Plus d’infos : TNS