Les grands vins des petites occasions : La Frituur
Lorsque le dimanche matin, de longues minutes d’attente s’accumulent à la boulangerie, il est étonnant de constater à quel point chacun a ses petites préférences face à la réaction de Maillard (torréfaction de la croûte)…
L’un demande la baguette la plus dorée de la boutique, c’en est pratiquement un croûton. La cliente suivante réclame la plus pâle du présentoir. La boulangère opère alors avec un sourire qui en a vu d’autres. Certains aliments, telle la fameuse baguette, génèrent leur lot de revendications personnelles. C’est aussi le cas du café, du chocolat, et des frites. Ahh les frites ! On les aime comme ci ou comme ça, avec la petite sauce qui sert de trempette, ou qui s’étale de tout son long dans le cornet. Même si chacun a une idée claire de la parfaite frite et de sa parfaite sauce, les accords avec le bien boire ne suivent pas le même rythme. Voyons voir sur quelle bouteille il est alors possible de faire jouer son sommelier.
On ne rigole pas avec les frites belges
Les frites belges ont un doux parfum qui fait tourner les têtes. Elles sont réalisées avec soin avec la patate Bintje, dont le taux d’humidité et d’amidon permet d’obtenir une purée à l’intérieur et un agréable croustillant à l’extérieur. De quoi rendre jalouse la meilleure des McCain. Outre la variété de pommes de terre, la frite belge est caractérisée par une double cuisson – incluant un temps de repos – dans du blanc de bœuf. Les plus puristes diront simplement « gras de bœuf ». Tout près des frites encore chaudes, une montagne de mayonnaise de Belgique fait la fière. Sa célèbre onctuosité n’a égal que son importante proportion de matières grasses. Un délice !
Trois associés strasbourgeois – dont un belge – se sont donné le défi de redonner ses lettres de noblesse à ce plat parmi les plus populaires mondialement. C’est ainsi que depuis fin 2015, La Frituur propose une frite chic 100% belge, et ce, dans un espace particulièrement feutré de Strasbourg. L’importance du bâtonnet de pomme de terre est telle qu’il en éclipse les viandes, plutôt suggérées en accompagnement. Clin d’œil à la fricadelle, fort appréciée. Le projet, bien qu’à priori simple a nécessité l’aide d’un frituriste. La rencontre avec cet artiste de la frite fraîche et bien dorée a permis d’acquérir un savoir-faire essentiel.
Depuis l’ouverture de la petite boutique sur la Grand’Rue, plusieurs bébés frites sont apparus : un Food Truck, une franchise à Hagueneau, et des projets dans la Ville Lumière. Le petit dernier ? Une boutique à la Kruteneau, avec quelques places assises et une terrasse.
Accord avec votre cornet
La dégustation d’une frite – disons nature – est une chouette association de texture et de goût salé. Cela est sans parler de ce petit oumph de gras qui participe indéniablement au plaisir alimentaire. Au menu plutôt simple de La Frituur s’ajoutent une quinzaine de sauces. Les déclinaisons particulièrement alléchantes donnent envie d’accumuler les suppléments. Au-delà de l’heureux mariage qui résulte de la patate et de sa dipping sauce, cette dernière aide grandement à définir un accord mets & vin réussi.
Si les sauces telles que Mayonnaise, Brasil, Curry et Joppie vous font de l’œil, optez plutôt pour des bulles. Elles ont ce pouvoir de nettoyer le palais. Les frites seront d’autant plus heureuses avec une bouteille qui porte la mention « extra-brut » ou « nature ». Le dosage très modéré en sucres résiduels apporte une grande minéralité et impression presqu’iodée. La cuvée CEP de Jean Michel, issue d’un assemblage de pinot meunier, de pinot noir et de chardonnay, s’avère un choix judicieux. Un vin de plaisir – n’oublions pas que le Champagne est d’abord et avant tout un vin – qui présente des parfums de tilleul, de citron et de pâte brisée. En bouche, il apparaît particulièrement frais, sec, et présente un dangereux niveau de digestibilité.
Les amateurs des sauces Andalouse et Hannibal, plutôt tomatées, trouveront leur bonheur avec un rouge aux tannins souples. C’est le cas du Crozes-Hermitage cuvée La Matinière 2015 de Ferraton Père & Fils. Cette appellation du Rhône septentrional est réalisée avec le cépage syrah. Dans le verre se côtoient des gourmands arômes de cerises et de cassis. En bouche, le vin est sec, rond (prend de la place), et les tannins suaves charment le dégustateur.
En semaine, les soudaines envies de frites peuvent être accompagnées d’une bonne bouteille de vin. Du moins, un verre qui ira de pair avec le format de votre cornet – de frites. On appelle cela « rendre l’ordinaire extraordinaire ». Les bouteilles présentées ne sont que des suggestions. Celles-ci vous donneront des pistes qui permettront de sublimer votre moment plaisir. Osez essayer ; les accords mets et vins ne sont pas toujours sophistiqués. Et vous aurez même le droit de manger avec les doigts !
Merci à la Frituur pour leur accueil !
Les vins présentés sont disponibles au Théâtre du Vin, marchand de vins à Strasbourg.
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