Lucas Adler
Le chasseur d’orages
Aussi loin qu’il se souvienne, il a toujours été attiré par ce qui se passe au-dessus de nos têtes, et le plus cela s’annonce titanesque ou fantastique, le plus il jubile. Découvrez ce jeune strasbourgeois qui a la tête dans les étoiles…
Vous en connaissez beaucoup des jeunes de 23 ans, tranquillement attablés au comptoir d’un bar à bières au pied de la cathédrale avec quelques potes et qui soudain, les abandonnent en toute urgence, sans même une explication tout ça parce qu’une alerte météo a sonné sur leur smartphone pour annoncer une très possible aurore boréale en formation au-dessus des sommets vosgiens ? Et qui, de plus, redescendent à Strasbourg quelques heures plus tard avec le rarissime phénomène météo, capturé sur la carte de leur Nikon…
La photo comme preuve…
« Je me rappelle très précisément du jour où est née cette passion pour les orages. Jusqu’à l’âge de six ou sept ans, ils me terrorisaient. Un jour, ma grand-mère m’a forcé à affronter les éclairs et le bruit sur sa terrasse et à scruter ces phénomènes. Ma peur a disparu d’un coup et ma passion est née ce jour-là » raconte Lucas Adler, pas encore 23 ans.
Cet étudiant en pharmacie (4ème année) devient vite intarissable dès qu’on lui donne l’occasion de s’exprimer sur le sujet. « Plus que les éclairs ou le bruit, c’est la dynamique globale des phénomènes et l’immense force qui s’en dégage qui me fascinent. Les capturer grâce à la photo, c’est mon truc. Ca a commencé à l’époque des petits Kodak jetables, j’en ai passé des centaines. En revanche, les ciels étoilés, c’était impossible avec ce matériel. J‘avais déjà besoin de ramener des preuves de mes observations… La photo m’a très vite passionné et, quand on m’a offert mon premier reflex numérique, un Nikon D3000, il y a huit ans, j’ai découvert toutes les possibilités artistiques et techniques offertes par les ciels en furie. Tout à fait autodidacte, je me suis mis à jouer avec les lumières, les temps de pose, les sensibilités… Puis est venue l’envie de traiter les images et il y a quatre ans, la découverte des immenses possibilités de Photoshop qui permet de faire ressortir les détails, les profondeurs. Je publie beaucoup sur Facebook mais j’ai comme objectif prochain de créer une galerie en ligne. Je vais avoir 10 000 clichés à trier, ça va faire du taf… » sourit Lucas
« Cette passion, je sens qu’elle vient de loin… »
« Ma passion première concerne avant tout le ciel en général » poursuit-il. « J’ai toujours été sensible aux couchers de soleil, aux lumières que la nature nous renvoie, et au-delà, à la voute céleste. La passion pour les orages est venue ensuite. Aujourd’hui, elle agit envers moi comme une kéronothérapie ! » (kéréno, le mot grec qui signifie orage – ndlr) sourit Lucas, ravi de nous apprendre un mot surprenant.
« Un autre point compte beaucoup, c’est la solitude devant ces événements parfois gigantesques et toujours formidables. Cette solitude-là me va très bien et j’y aspire, même. Etre mêlé de près à l’observation des orages, ça rend très humble. J’en tire un grand bonheur, ça me fait du bien et ça m’inspire : c’est seul devant le spectacle des étoiles que j’ai pris de grandes décisions. Tout ça nous remet à notre place de petit être qui n’est que seulement de passage sur cette terre. Alors, chaque matin, je me lève et je n’oublie pas de me situer dans l’univers qui m’entoure, et pas seulement à dix mètres autour de moi. J’ai besoin d’un référentiel comme cette passion qui, je le sens, vient de très loin. Il y a un truc philosophique là-dessous, j’ai du mal à mettre des mots pour l’exprimer mais je sais que ça existe en moi… »
Les yeux braqués vers le ciel, Lucas Adler vit sa passion sans en perdre une miette. Et voyage beaucoup : Thaïlande, Israël, Islande (voir page XX le port-folio que nous consacrons notamment aux somptueuses aurore boréales qu’il a récemment capturées) figurent parmi ses destinations les plus récentes.
Il est étonnant ce gamin, capable de discuter très sérieusement sur son cursus universitaire et l’avenir qu’il s’imagine peut-être au sein d’un grand labo pharmaceutique puis, l’instant suivant, à peine un quart de seconde plus tard, repartant dans la narration du cosmos dont il se sent entièrement partie prenante, avec des étoiles plein les yeux. Qui brillent, qui brillent…