Michel Husser, le maestro du terroir

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À la tête de l’hôtel-restaurant familial et étoilé le Cerf de Marlenheim et depuis peu président des Étoiles d’Alsace, Michel Husser incarne l’excellence de la cuisine du terroir entre régularité, authenticité et innovation.

Votre établissement, fondé par votre arrière grand-père en 1930, est étoilé sans discontinuer depuis 1936. Une exception française ?
« En effet, c’est assez rare dans une même famille. Je crois que nous ne sommes que deux en France. Mon arrière-grand-père, puis mon père et moi-même depuis 40 ans, nous avons toujours surfé sur le terroir, nous sommes restés fidèles à l’Alsace, c’est l’essence même de notre restauration. Le gros de mon travail, c’est de trouver les meilleurs producteurs possibles, c’est déjà ce que faisait mon arrière-grand-père. Après, c’est l’histoire du chef qui vient amener sa touche personnelle, un peu comme une partition de musique : ce sont les mêmes notes, mais c’est le musicien qui apporte l’émotion.

Avez-vous toujours su que vous vouliez prendre la relève de votre père ?
Je suis né dans les marmites ! J’étais tout le temps avec mon père, j’allais faire les courses au marché avec lui, à la ferme, jamais dans des supermarchés. Notre particularité aussi, c’est d’avoir commencé très jeunes et donc d’avoir chaque fois apporté un souffle nouveau à la maison. Mon père avait 22 ans. Moi 23 ans quand j’ai repris les cuisines après avoir énormément voyagé. Quand je suis rentré chez moi après l’armée dans la marine où à chaque escale j’allais manger dans des restos locaux, j’ai su que je voulais monter une cuisine locale avec mes mots à moi, en respectant le produit et son histoire. Mon père m’a laissé m’exprimer et à 26 ans, j’ai décroché une seconde étoile que j’ai gardée 20 ans.

Perdre cette seconde étoile à un moment douloureux de votre vie semble vous avoir affecté…
Ce n’est jamais facile de perdre une étoile, mais depuis, j’ai pris beaucoup de recul ! Je n’ai jamais aussi bien travaillé qu’aujourd’hui d’ailleurs. À mes débuts, je faisais une cuisine plus originale. Quand je me suis davantage tourné vers le terroir, le Michelin me l’a retirée. C’est un problème de compréhension ! Quand ils ont proposé de me la rendre, j’ai dit non !

Comment définiriez-vous votre cuisine ?
La régularité et l’authenticité. Il y a toujours une touche alsacienne dans mes plats, c’est ma signature. L’idée, c’est de sublimer la tradition. Il y a 30 ans, j’ai imaginé une nouvelle choucroute, la fil d’or, accompagnée d’une garniture plus légère, du cochon de lait poché, du foie gras fumé… Il fallait s’accrocher pour la vendre, car les Alsaciens ne sont pas convaincus par leur terroir et n’imaginent pas manger des recettes alsaciennes dans un restaurant gastronomique ! Depuis un article dans Le Monde paru il y a trois ans qui l’a décrétée « meilleure choucroute au monde », ils accrochent ! On sent aussi un vrai retour du terroir aujourd’hui…
L’Alsace est une région très forte, nous travaillons toute l’année car les gens aiment sortir, et nous sommes l’une des plus petites régions françaises avec autant d’étoilés. Nous avons également des vins d’exception… Dans une région gastronomique, il y a toujours du vin derrière ! Avec ce petit bémol que l’on a une image de lourdeur dans notre cuisine, alors que l’on peut faire alsacien et léger ! Mon prochain défi ? Redessiner le baeckeoffe.

Quels sont vos projets ?
Aujourd’hui, après 40 ans de cuisine, j’ai décidé de prendre un peu de recul et d’air en m’associant avec le chef Joël Philipps que j’ai formé et qui a décroché une étoile en huit mois dans son restaurant Esprit terroir ! Il apporte une nouvelle jeunesse à notre maison. La tradition familiale se perpétue ainsi… De mon côté, maintenant que j’ai davantage de temps, je vais rendre professionnellement et humainement ce que l’on m’a apporté en devenant président des Étoiles d’Alsace. »

LE CERF
30, rue du Général de Gaulle, Marlenheim.
Tél. 03 88 87 73 73
www.lecerf.com

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