SAÏGON au TNS, les larmes de l’exil

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Après avoir fait sensation au festival d’Avignon en 2017, SAÏGON, produite par le TNS et présentée par la compagnie Les Hommes Approximatifs, est jouée au TNS du 6 au 16 novembre et est l’un des événements de la rentrée culturelle à Strasbourg. Caroline Guiela Nguyen, la metteuse en scène d’origine vietnamienne propose une fresque sur l’amour, l’amitié, l’exil, la colonisation et les traces qui ne s’effacent jamais des mémoires, mais aussi sur la joie présente dans chaque larme.

Pour Caroline Guiela Nguyen et Les Hommes Approximatifs (une grande partie de sa compagnie a fait l’école du TNS, trois comédiens au plateau, le costumier, la scénographe et le créateur lumière), c’est un grand retour en Alsace. Depuis qu’ils sont sortis de l’école en 2008, ils n’ont pas travaillé à Strasbourg.
Caroline Guiela Nguyen se souvient de ce temps où elle était élève. À une période, chaque soir, du troisième balcon, elle a vu Forêts, la pièce de Wajdi Mouawad, c’était très fort pour elle, comme une autorisation à l’émotion. Ce retour à Strasbourg est aussi le souvenir d’un territoire libéré, grâce à son amour pour le travail de Wajdi Mouawad, qui a guidé le sien sur un chemin commun. Plus que de libérer des territoires, il s’agit de les montrer, de les rendre visibles : « Tous nos projets, et SAÏGON en fait partie, sont dans cette énergie-là, de raconter d’autres visages, d’autres corps, d’autres territoires » dit-elle.

L’histoire de la France

La cuisine d’un restaurant du 12e arrondissement de Paris, aux airs d’années 1950, sert de décor à SAÏGON. Ses personnages sont tous liés à l’histoire française du Vietnam et l’histoire vietnamienne de la France. Des histoires d’exils et d’amour qui réunissent des comédiens français, d’autres d’origine vietnamienne vivant en France et de jeunes comédiens recrutés lors de stages à Hô Chi Minh-Ville, ex-Saïgon. Chacun parle sa langue. Le spectateur voyage de 1956, au moment où les Français d’Indochine quittent dans l’urgence le Vietnam, et quarante ans plus tard, à Paris, quand les exilés « viet kieu » apprennent qu’ils pourront visiter leur pays d’origine. La question du retour s’est posée dans chaque foyer. Un jour, Caroline Guiela Nguyen a suivi sa mère dans ce voyage, mais la seule dimension autobiographique ne tient pas pour SAÏGON. Elle ne s’est pas dit qu’elle allait faire un spectacle autour du Vietnam. Chez elle, elle entendait parler le vietnamien ou l’algérien (par son père), elle a su très tôt que son histoire était faite d’ailleurs, que ceux qui forment sa famille ne sont pas représentés sur scène. «Dans l’espace du théâtre, tous les imaginaires doivent se rencontrer», et c’est le sens de son travail sur SAÏGON. À travers des témoignages et des récits de cette guerre dont on parle peu, elle veut saisir « un bruit du monde » : « Ce spectacle raconte l’histoire de la France. L’histoire de France n’est pas faite que de la Révolution ou de Mai 68 », dit-elle humblement.

Ouvrir la représentation

Pour Caroline Guiela Nguyen, l’imaginaire est une pensée politique très forte : « Si nous manquons d’imaginaire, notre relation à l’humain s’assèche, on tombe dans les plus grandes pauvretés intellectuelles, dans les plus grandes peurs.» Elle s’appuie sur des faits, des dates importantes et oubliées, mais peu importe si l’histoire qu’elle met en scène, qu’elle raconte, a existé ou pas, il s’agit d’ouvrir des espaces, « d’ouvrir » la représentation de tous ceux qui vivent sur cette planète.
Au Vietnam, quand on raconte ces histoires-là, les larmes coulent, on pleure beaucoup, mais les larmes se mélangent à la force, « les larmes convoquent l’autre, celui qui les regarde » dit-elle.
Quand on écoute Caroline Guiela Nguyen, on s’approche avec émotion de territoires d’ailleurs, toute sorte de territoires sans frontière, ceux qui définissent les contours de notre planète et de nos corps. SAÏGON est une histoire du monde, le théâtre une réponse à notre monde.

Informations & réservations : Saïgon au TNS

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