Aplibre / Les abeilles de la cathédrale

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Aucun être vivant, même pas l’homme, n’a réalisé au centre de sa sphère ce que l’abeille a réalisé dans la sienne ; et si une intelligence étrangère à la nôtre venait à demander à la terre l’objet le plus parfait de la logique de la vie, il faudrait lui présenter l’humble rayon de miel
Maurice Maeterlinck, La vie des abeilles 

Ce midi, Andrei vient dire bonjour à ses abeilles chéries à la Cathédrale de Strasbourg. Installées dans les ruches sur la partie arrière et latérale du majestueux bâtiment, loin des zones touristiques et proches des essaims ayant naturellement colonisé les trous présents dans les façades, les nobles travailleuses s’impatientent du retour du soleil par ce mois de mai pluvieux.
Mais Andrei est confiant. Optimiste et solaire de nature, ce médecin spécialisé en dermatologie, travaillant actuellement dans le Registre des cancers du Bas-Rhin, élargit son serment d’Hippocrate à une espèce menacée par la course au profit. Il n’est pas de ceux qui se contentent de faire un diagnostic alarmant sur notre société malade. Ses crédos et ses désirs d’un monde meilleur, il essaie de les appliquer, de les tester dans la réalité de tous les jours.

Des ruchers des deux côtés du Rhin

C’est ainsi qu’il y a deux ans, Andrei a fondé la branche apicole de l’association Aquaterre – ApiLibre (Rucher Écologique Pédagogique Participatif) dans l’objectif de partager avec d’autres ses prises de conscience sur une relation plus juste entre l’humain et les abeilles. Un savoir qu’il a acquis au cours des quinze dernières années, depuis le jour où il a reçu en cadeau d’un ami ses quatre premières ruches. Il les installa alors dans son jardin et depuis…


D’origine russe, venant de Moscou, Andrei et son épouse Marina se sont installés ici il y a une vingtaine d’année à la poursuite de leurs études. Marina confie avoir hérité son amour pour la France de son arrière-grand-mère, Tatiana Mendé, qui a terminé l’Institut des filles nobles de Moscou sous le patronage du petit-fils de Pouchkine. Leur vie quotidienne est l’incarnation même de l’idéal européen :
« Nos ruchers se trouvent des deux côtés du Rhin. Tout comme moi, Marina qui travaille dans le Conseil de l’Europe, traverse souvent le pont de Kehl. Nos quatre fils sont parfaitement trilingues français-allemand-russe ayant suivi le système scolaire Steiner en France et en Allemagne, où l’on apprend aux enfants un rapport conscient et amoureux à la nature…»
Quant aux membres de l’association ApiLibre ce sont des personnes et des familles d’une dizaine de nationalités qui habitent dans six pays européens : la France, l’Allemagne, la Belgique, la Suisse, l’Italie et même la Russie. « L’Europe pour nous n’est pas une notion abstraite, explique Andrei. C’est notre culture commune, les valeurs et les conditions de vie qui nous permettent de vivre en accord avec nos idéaux : fraternité, entraide, noblesse d’esprit… Et si on a décidé de consacrer une partie de notre énergie à prendre soin des abeilles, c’est une façon d’affirmer que sans le respect de la sagesse du vivant, l’Europe ne pourra plus prospérer et nous perdrons ce paradis sur terre hérité de nos ancêtres… »
C’est donc ainsi que d’amateur apiculteur, Andrei est devenu petit à petit un vrai connaisseur et expert dévoué à la renaturation de l’abeille. Et il en a fait son miel !
« Agriculture intensive, pesticides, ondes…ce sont des facteurs bien connus qui ont affecté la population des abeilles, sans parler du fait que depuis des décennies on traite ces êtres évolués comme des vaches laitières de batterie. Les « apiculteurs classiques » ont trouvé de bien jolies excuses pour utiliser de la chimie dans leur travail avec les abeilles, ils vont vous dire « J’ai fait le choix en faveur de la survie de mes abeilles ! J’ai fondé ApiLibre (apis lat. abeille) pour démontrer qu’une autre voie est possible : aider l’abeille à retrouver la rusticité et son immunité, l’aider à combattre les parasites par des méthodes naturelles, utiliser uniquement des matériaux de travail naturels : bois, verre, inox et bénéficier du miel non-chauffé, non-déshydraté, non-microfiltré, et d’autres produits de la ruche de qualité. Le but est de récréer un environnement propice à la sélection naturelle afin de développer des caractères de résistance et d’autonomie dans les colonies. On a déjà plusieurs dizaines d’adhérents, souvent des familles, à travers le système de parrainage des ruches. Avec 135 euros par an de participation, ils contribuent à l’installation des ruchers à divers endroits à Strasbourg et dans la campagne. Les uns veulent apprendre à leurs enfants ce que c’est que l’abeille, les autres veulent s’initier à l’apiculture, les troisièmes choisissent d’œuvrer pour l’écologie, et tous aiment le miel écologique car ils reçoivent en remerciement plusieurs kg de miel de différentes sortes : Toutes Fleurs, Acacia, Tilleul, Châtaigner, Forêt, Sapin. »

L’association a aussi des parrainages d’entreprises, organisations et collectivités, comme la Cathédrale de Strasbourg, la maison de retraite EHPAD Les Quatre Vents à Vendenheim, etc. Et les premiers résultats sont là : les tests des miels produit par ApiLibre affichent un indice diastasique élevé (indice en rapport avec l’enzyme que l’abeille rajoute au cours de la transformation alchimique du nectar en miel). Se situant entre 18 et 34, il témoigne que l’approche d’ApiLibre aide non seulement les abeilles à retrouver leur liberté et santé, mais parvient aussi à produire un vrai élixir nutritionnel et médicinal, sachant que le miel est considéré de qualité acceptable si son indice diastasique équivaut ou est supérieur à 8.
Mais là ne s’arrêtent pas les projets de l’association et du couple Melnikov qui vient de terminer la construction d’un « lit sur les ruches », maisonnette spéciale où les abeilles, habitant dans une installation sous le lit de la demeure, procurent aux dormeurs des bienfaits par inhalations des produits de la ruche et une harmonisation énergétique, et dont l’efficacité a été prouvée, notamment en Allemagne…
Naturopathe en formation, à côté de son travail dans une organisation européenne, Marina s’est déjà alliée avec les abeilles d’Andrei pour soigner ses amis et sa famille. Le couple prépare aussi un projet de création du musée interactif de l’abeille dans le Centre Art et Nature Domaine de la Chouette à Kligenthal. A suivre…

Plus d’infos
www.apilibre.fr
www.renaturation-abeille.fr
www.domainedelachouette.org