Céramiques, luminaires ou balais, le CEAAC explore la « vie sociale des choses »

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Le titre de l’exposition collective qui se tient au CEAAC sonne d’un optimisme bienvenu en ce début d’année. « Au bonheur » ! on n’en demandait pas plus…

Il évoque aussi le « Bonheur des dames », roman d’Émile Zola consacré à la naissance des grands magasins dans la France du Second Empire.Il s’ancre enfin dans l’histoire du bâtiment où s’est installé le Centre européen d’actions artistiques contemporaines en 1995.
Pur produit de l’art nouveau, le magasin Neunreiter faisait office de boutique de vente aux détails destinée aux particuliers ainsi que d’espace de stockage pour les activités de gros de l’entreprise.
Porcelaines, faïence, poteries, verreries, cristaux, articles de ménage et luminaires y avaient trouvé leur temple strasbourgeois.
L’exposition convoque ce passé commercial et renoue avec l’esprit des lieux tant dans le choix des œuvres exposées que dans leur mode de présentation friand d’accumulations et d’empilements aux esthétiques fortuites.
« Replacer ces objets fonctionnels dans une perspective culturelle permet de s’intéresser à la « vie sociale » des choses » est-il précisé dans le texte présentant l’exposition, de capter « l’idéologie qui peut s’inscrire dans la forme » et de prendre la mesure du « pouvoir attribué à celles et ceux qui les fabriquent, les choisissent et les disposent ».
La vingtaine d’« exposant-e-s » – terme revendiqué par les deux commissaires Alice Motard et Joël Rif tant les profils de créateurs sont hétéroclites – rendent ses lettres de noblesse à la notion d’« utilitaire » tout en restant, volontairement, sur ce fil subtil tendu en art, design et artisanat.

« Au Bonheur », vue d’exposition. Crédit photo : E. Vialet

Un objet est toujours plus qu’un objet

Luminaires humanisés de Julie Béna, frise art nouveau d’Estelle Deschamp résonnant, mais de manière quasi géologique, avec l’architecture du bâtiment, mobilier brancusien de Walter Gürter taillé directement dans la chair du bois, objets aux formes antiques jaillissant des technologies numériques au Studio « La double clique », facétieuses et transgressives « Lamp-girls » de Marianne Maric, balais et films où Alexandra Midal rend hommage à la communauté théologique des Shakers et à l’art nouveau qualifié de « style nouille » par ses détracteurs…
Un objet est toujours plus qu’un objet …
En témoignent également les photographies de l’Alsacienne Françoise Saur. Elle y a mis en scène les collections improbables rassemblées par sa mère et découvertes au décès de celle-ci. Voués à la dispersion mais immortalisés par l’objectif, ces objets futiles prennent une dimension sentimentale aux accents existentiels.

Julie Béna “Lustre 2020-2022”. Copyright E. Vialet – Flora Moscovici « Revêtement II Ne pas en perdre une miette ». Crédit photo E. Vialet

Passionné par la technique désormais révolue des ampoules à incandescence, Nicholas Vargelis est intervenu sur le réseau électrique du CEAAC afin de permettre au public de moduler l’espace d’une exposition ouverte par le travail en façade de Flora Moscovici.
À l’intérieur, celle-ci a habilement souligné architecture et mobilier du lieu en disposant des chutes de bâches peintes que l’on peut également acheter au mètre à la fin de l’exposition.
Tout comme l’on peut acquérir des céramiques utilitaires dont la sélection s’est faite lors d’une prospection de plusieurs mois dans des ateliers alsaciens.
Pour joindre l’utile non seulement à l’agréable mais aussi au beau.
Et s’offrir ainsi une étincelle de bonheur.

Forte de son succès, l’exposition est prolongée jusqu’au 26 février.

CEAAC

7, rue de l’Abreuvoir
03 88 25 69 70
www.ceaac.org
Du mercredi au Dimanche de 14 h à 18 h
Entrée libreVisites commentées tous les premiers samedis et dimanches du mois, à 15 h
Sans réservation

Nicolas Vargelis « F for Fake or 20th Century Light 2022é – Estelle Deschamp “III. Entablement III 2022”? Crédit photo E. Vialet

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