Ecrivain / Editeur : ce couple doit se trouver…

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À 53 ans, Mina Moutski publie son deuxième livre (Non Retours – après Vent d’Est U Grecale paru il y a deux ans). La suite des aventures du commissaire Ethan Antoniotti de la PJ de Strasbourg paraît aux Editions du Bastberg qui signe ainsi sa seconde collaboration avec l’auteure strasbourgeoise. Nous avons réuni les deux éléments du couple…

Pour ce rendez-vous, Mina Moutski a choisi d’inviter Philippe Krauth, son éditeur, sur la paisible terrasse contigüe aux bureaux de la société de ressources humaines qu’elle dirige à l’orée du Neudorf. Car Mina, comme plus de 95% des écrivains qui publient, ne vit assurément pas de ses ventes, que leur éditeur soit national ou régional. Ce qui, d’entrée, pose la question essentielle que connaissent tous ces écrivains : la gestion du temps professionnel, personnel et familial, et celui de l’écriture qui se doit de trouver sa place dans un agenda déjà fourni. « J’ai mis quatre ans pour écrire mon premier livre »  confie-t-elle. « Il a été écrit de manière assez continue avec quelques périodes de trois ou quatre mois où il ne se passait rien. Pour le second, qui vient de juste de paraître, je l’ai écrit en treize mois, à partir de février 2017. Ce qui veut dire que j’ai beaucoup appris avec l’écriture de mon premier livre grâce à un petit groupe d’amis qui avaient fait office de comité de lecture pour Vent d’Est et qui m’ont fait de vrais et rapides retours tout au long de l’écriture de Non Retours. Et puis je dois souligner aussi la vraie et efficace complicité avec Renée Hallez, une auteure de la même collection Polars aux Editions du Bastberg (qui vient de sortir son 9ème livre, La parole confisquée – ndlr). Elle et moi n’écrivons pas du tout la même chose, on n’a ni le même style ni la même approche des choses mais du coup ça devient très intéressant : elle vient pointer tous les trucs qui ne vont pas et elle m’a énormément appris lors de l’écriture du premier livre, ce qui m’a fait gagner beaucoup de temps sur l’écriture du second. Cependant, il m’a fallu quand même prendre des temps de vacances pour écrire en continu, à certains moments. J’ai la chance de vivre avec quelqu’un qui est très supporter de mon activité : j’avoue que c’est un là un point essentiel et qui m’aide beaucoup parce qu’entre le boulot, la vie familiale et toutes les obligations qu’on rencontre tous, se donner tout ce temps pour écrire est un vrai défi… »

Jusque-là scrupuleusement silencieux, Philippe Krauth intervient dès que Mina nous confie que son idée de départ, écrire une trilogie, s’est confirmée au fil de l’écriture de Non Retours : « J’aimerais bien que les enquêtes d’Ethan Antoniotti continuent à raison d’une parution tous les deux ans » avoue-t-il. « Je me suis attaché à ce personnage en lisant Vent d’Est et cet attachement a encore grandi avec le deuxième livre. De plus, Vent d’Est s’est très bien vendu, ce qui est assez rare pour un premier polar, (une réédition est prévue prochainement – ndlr), on a bénéficié d’une bonne communication et Mina s’est déplacée avec nous sur nombre de salons. J’ai cru tout de suite à ce livre car, en temps normal, on met beaucoup de temps à s’engager avec un auteur sur son premier livre. C’est quand même un risque pour nous. Mais pour Vent d’Est, ça a été rapide, il y avait un bon feeling entre nous et tout s’est fait naturellement… »

 Les Editions du Bastberg représentent l’archétype de la petite maison d’édition régionale qui a trouvé ses créneaux (le polar régional, donc, mais aussi les livres pour enfants et les livres de cuisine) et laboure ses sillons avec une parfaite connaissance de la diffusion régionale. Jeune trentenaire, Philippe Krauth a débuté dans la société il y a une bonne dizaine d’années avec un contrat d’alternance. Une liquidation plus tard, l’opportunité s’est présentée : Philippe Krauth (graphiste de formation) et trois autres salariés ne se sont pas résignés à voir disparaître leur outil de travail et ont en créé une SCOP (Société coopérative ouvrière de production) qui a relancé l’entreprise. « Aucun d’entre nous n’avait la moindre expérience dans l’édition régionale. Alors on est allé voir d’autres éditeurs, qui nous ont bien conseillés et aidés, l’esprit alsacien de solidarité a joué son rôle… » se rappelle-t-il. «  C’était il y a neuf ans, au plus fort de la crise financière. On a fait appel à des sous-traitants pour le point-clé de la distribution, le graphisme on s’en est occupé nous-même ainsi que la relation avec les quelques auteurs de la précédente société que nous connaissions et qui nous ont fait confiance. On a sorti leurs nouveautés, ça nous a positionnés sur le marché et cinq ans plus tard, comme on était très déçus par les prestations de nos distributeurs, on a internalisé cette activité, c’est moi qui suis personnellement en charge de ce secteur… » (environ 150 points de vente en Alsace – ndlr).

Aujourd’hui, Philippe Krauth constate que beaucoup de voyants sont au vert : « On a lancé de nouveaux auteurs et nous parvenons enfin à vivre de notre métier. Étape par étape, on progresse… Notre chiffre d’affaires progresse de 20% chaque année. Mais c’est beaucoup de sacrifices, il faut être présent de nombreux week-ends sur les salons et la vie de famille en souffre. Je viens d’avoir ma première fille, elle a neuf mois et moi aussi, j’ai la chance d’avoir une conjointe qui comprend et accepte le choix qui a été fait… »
Évidemment, je ne sais pas comment ça se passe dans les autres maisons d’édition » intervient Mina. « Mais aux Editions du Bastberg règne une ambiance très conviviale, on sent la grande proximité entre les responsables de la société et les auteurs : quand tu signes sur les salons du livre, ils sont là avec le café, les bocaux de petits bonbons. Le soir, il y a du vin… Tu te sens accueillie quand tu es auteur, tu n’es pas seulement la bonne vache à lait qui vient pour signer et vendre ses livres. Pour moi qui suis senior dans mon métier, puisque ça fait quand même trente ans que je travaille, je me suis retrouvée tout à coup junior avec des gens qui m’ont aidée et guidée. Je ne suis pas sûr de connaître une nouvelle fois ça dans ma vie… Je ne regrette donc pas que mon conjoint ait repéré un jour un livre des éditions du Bastberg dans les rayons de la librairie Kléber et m’en ait parlé. C’était deux jours avant qu’Eric Génetet, que vous connaissez bien à Or Norme et qui est un ami, m’encourage à envoyer mon manuscrit à Philippe…»

Ethan Antoniotti va donc poursuivre son chemin à Strasbourg puisque la trilogie imaginée par l’auteure est désormais totalement revendiquée par son éditeur. Ce sera vraisemblablement pour l’été 2020…
Et, parce qu’on connait un peu les ressorts qui animent les auteurs, on a demandé à Mina Moutski comment elle voyait la suite des choses un peu plus tard. D’abord convenue (« trois livres, c’est déjà beaucoup… »), elle a fini par nous confier qu’elle avait très envie d’élargir ses horizons. « Jusque là, situer l’action de mes livres à Strasbourg, outre le vrai plaisir de mettre ma ville en scène, correspondait à un gain de temps pour raconter le théâtre de l’intrigue. Je vis ici depuis toujours, je connais ma ville et ses personnages dans les moindres détails, ça m’a facilité grandement les choses. Je pense que je vais m’attaquer à plus vaste, plus loin. J’en ai très envie » avoue-t-elle avec la petite flamme qui brille au fond des yeux…

Mina Moutski vous donne rendez-vous le samedi 3 novembre à 17h30 à la librairie Kléber Salle Blanche pour une rencontre-signature !