Jean-Luc Delanoue « Nos sociétés partenaires ont exactement la même foi dans le club que les supporters en tribunes… »

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Rencontre avec l’homme qui oeuvre au développement commercial du Racing Club de Strasbourg Alsace depuis le CFA. Jean-Luc Delanoue avoue sans problème « avoir épousé les valeurs édictées par Marc Keller » qu’il a rejoint dès la reprise de mai 2012, après l’avoir côtoyé durant quatre saisons au début des années 2000. Aujourd’hui, ce ne sont pas moins de 12 millions d’euros qu’encaisse le Racing Club de Strasbourg Alsace via son service sponsoring. Et ce sera bien plus quand la nouvelle Meinau sera opérationnelle, en 2026…

Un mot sur vos origines…

Je suis natif de Troyes, dans l’Aube. Quand j’étais très jeune, le club local, le Troyes Aube Football, jouait régulièrement en D1 comme on disait à l’époque. Ce qui m’a valu d’être un des spectateurs du match Troyes-Racing lors de la saison 1978-79, celle du titre pour Strasbourg. Je me rappelle que c’était la super écurie qui se présentait ce soir-là à Troyes, je regardais tout ça avec des yeux ébahis…

Cette décennie formidable que le Racing vient de clore de très brillante façon, vous en avez été un des acteurs à plein temps, si on ose dire car dès son arrivée à la tête du club, en 2012, Marc Keller vous a appelé, ou plutôt vous a rappelé…

C’est ça. J’avais déjà été de l’aventure avec lui entre 2002 et 2006 quand il était directeur général du Racing. J’avais à cette époque la casquette Sportfive (une agence internationale de marketing sportif – ndlr). D’ailleurs, quand Marc a alors quitté le Racing, je lui avais prédit qu’il reviendrait un jour en tant que président, pour moi c’était son destin. Quand il m’a rappelé en mai 2012, il m’a dit : « Bon, Jean-Luc, Voilà, on y est. J’ai craqué, je suis de retour… Est-ce que tu as envie d’être de l’aventure ? ». J’ai dit oui, aussi vite qu’il avait dû dire oui lui aussi. Je n’avais aucun doute quant à sa vision et son projet, et encore moins sur notre capacité à réussir et à ramener le club à son plus haut niveau. Et quelques jours plus tard, on s’est retrouvés dans les bureaux de la Meinau pour échafauder nos plans de bataille…

Sur le plan commercial, puisque c’est votre mission, quel était alors l’état des lieux à votre arrivée ?

Il n’y avait plus de secteur commercial, à proprement parler. J’ai recensé à mon arrivée une petite dizaine d’entreprises fidèles et irréductibles, au premier rang desquelles ES, qui n’avait jamais fait défaut au Racing dès le début de son engagement, je me souviens aussi de Blanc du Nil et d’Espace H et d’une poignée de partenaires-mécènes, passionnés et engagés, mais sans la moindre organisation digne de ce nom pour les suivre et les accompagner…

Quels sont les mots de Marc, pour définitivement vous convaincre car vous savez bien sûr parfaitement que le Racing est tout au fond du trou, à un niveau sportif très bas pour quelqu’un qui possède vos capacités professionnelles et votre savoir-faire ?

Marc me fait part de son engagement résolu à ramener le club au niveau professionnel, un engagement personnel qu’il partage aussi avec Egon Gingdorf, Pierre Schmidt et Patrick Adler ainsi qu’avec un cercle d’entrepreneurs et amis alsaciens qu’ils ont fédéré. Marc me parle aussi de la forte adhésion des deux collectivités locales phares, la Ville de Strasbourg et ce qui était encore la Région Alsace, ce qu’il me présente comme le socle de reconstruction du club. J’ai donc eu toute de suite la conviction qu’avec sa vision, sa conviction et la force de ses valeurs, ça allait le faire. Je n’ai pas eu le moindre doute dans ce domaine. La seule inconnue était le facteur temps, l’échéance précise à laquelle le Racing retrouverait le statut pro. Au stade où j’en étais alors, après avoir quitté Sportfive, l’idée de contribuer à écrire une nouvelle page de l’histoire du Racing me séduisait beaucoup. En fait, nous avions tous une énorme conviction que nous allions réussir…

Sincèrement, on vous aurait alors dit que pile dix ans plus tard, le Racing allait rater d’un cheveu une qualification européenne en se faisant battre lors du tout dernier match au stade-vélodrome et ses 65 000 spectateurs chauds bouillants, un match durant lequel Marseille jouait une bonne part de sa survie financière, vous l’auriez cru ?

Sincèrement, peut-être… Oui, peut-être. Car on sait que dans le football, tout est possible. Une anecdote pour appuyer ma réponse : dès le début, nous avions intégré dans nos contrats de sponsoring des clauses précises en matière de conditions économiques et nos contrats prévoyaient noir sur blanc des clauses en cas de succès dans les Coupes nationales, vainqueurs de la Coupe de France ou de la Coupe de la Ligue, finalistes, etc… Dès le National, on en était loin, à l’époque. On savait que ça pouvait arriver, on en avait conscience.

Comment et sur quelles bases s’est organisé le Racing en matière commerciale et où en sommes-nous une décennie plus tard ?

Dès le départ, il nous a fallu communiquer avec précision sur le projet du club, c’était bien sûr essentiel. On a multiplié les présentations du projet auprès d’un nombre très important de sociétés. Démarche évidemment très bien reçue d’autant que Marc s’est considérablement investi dans ce domaine. Très rapidement, on a travaillé sur des modèles de structuration commerciale de Ligue 1 plutôt que de National ou du CFA. Dès la toute première saison, nos loges étaient remplies, dès le CFA il y avait une liste d’attente. Incroyable ! Ça n’a jamais désempli depuis, et on est depuis longtemps contraints de faire preuve d’une grande inventivité pour faire face au développement de ce que nous appelons « l’hospitalité », c’est-à-dire la réception des sponsors et de leurs invités. Ces dernières saisons, le service communication nous a beaucoup aidé à travers le développement des contenus digitaux. Autant de contenus que nous pouvons valoriser auprès de nos sponsors. On a également introduit l’activité « séminaires » c’est à dire, hors match, des événements entreprises comme des conventions, l’incentive, les lancements de produits. Ça reste un potentiel de développement très important pour le club, un très beau produit pour approcher et mieux connaitre le monde économique qui nous entoure. Aujourd’hui, le club réalise un chiffre d’affaires commercial d’une douzaine de millions d’euros : 8 millions d’euros de sponsoring, « hospitalité » 4 millions et 300 000 euros sur le dernier secteur dont je parlais, l’activité « séminaires ».

Le nouveau stade, opérationnel en 2026, va-t-il permettre de générer des recettes supplémentaires ?

Bien sûr. Aujourd’hui, chaque soir de match, nous recevons jusqu’à 2 200 personnes VIP sur une gamme de sept niveaux de prestations différentes. Si on se projette dans ce que le nouveau stade nous permettra de réaliser, nous accueillerons à ce moment-là 3 600 personnes, réparties sur une douzaine de prestations exploitées les jours de matches. C’est un gap bien sûr très important. Le nouveau stade aura quelques points forts pour nos partenaires. Le plus important est peut-être l’unité de lieu : la Meinau actuelle héberge des chapiteaux et des constructions modulaires disséminés tout autour du stade. Tout notre réceptif futur sera organisé autour de la tribune sud avec un atrium d’entrée spectaculaire. Le réceptif se fera sur quatre niveaux et sur deux de ces niveaux, on trouvera une terrasse déambulatoire avec vue sur la pelouse, on y trouvera également des espaces de networking, ce sera une innovation. À terme, le nouveau stade devrait générer vingt millions d’euros supplémentaires. L’organisation commerciale et globale du club s’enrichit sans cesse de nouvelles compétences et pratiques, en même temps que nous recherchons en permanence la progression individuelle et collective sur le plan administratif. Un nouveau directeur du développement commercial vient de nous rejoindre dans l’optique d’améliorer nos nouveaux enjeux de croissance.

Au poste que vous évoquez, vous êtes bien sûr le témoin privilégié de l’engouement extraordinaire provoqué par les résultats sportifs de cette dernière décennie et particulièrement par la superbe saison que nous venons de vivre. L’engouement est-il le même chez les entreprises qui investissent sur le Racing ?

Parmi les valeurs cardinales que Marc Keller avait mises en avant à l’orée de cette fabuleuse décennie, il y avait la proximité entre le Racing et son environnement. Le service commercial du club a fait sienne cette valeur-là. Nous cultivons aussi l’ancrage sur le terrain, la symbiose avec les performances et l’esprit du club et nous sommes dans une relation authentique avec nos partenaires, que ce soit les soirs de matchs ou les autres jours, du plus important des sponsors à l’artisan, la TPE, les professions libérales. J’ai des souvenirs qui me reviennent, puisque vos questions sur la décennie les réveillent : à la fin de la première saison de National, quand on était en situation de relégation sportive, j’ai vu des décideurs économiques les larmes aux yeux, totalement effondrés et laminés par ce qui nous arrivait. C’est exactement ce que ressentaient ce même soir les supporters dans ce qui était encore le quart de virage du kop. Je le dis souvent : une personne VIP, ce n’est pas seulement un col blanc un peu étriqué qui vit sa passion de manière plus froide qu’un supporter du mur bleu. Non, l’immense majorité de nos partenaires économiques et leurs invités vivent la passion du Racing avec leurs tripes. Ils ont exactement la même foi dans le club que les supporters en tribune… »

Jean-Luc Delanoue© Nicolas Roses