Le Cabaret Onirique vogue à travers les genres poétique

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Onirisme : « Délire aigu constitué de représentations concrètes, mobiles comme celles du rêve et vécues intensément par le sujet ». Tout ou presque ce qui manquait à Strasbourg. La poésie en plus. Parce que c’est ce qu’offre à découvrir le Cabaret Onirique : une ouverture polymorphe sur le monde et les genres, sans jugement, naviguant sur d’élégants courants artistiques.

Presqu’île André Malraux. Bords de quais. Péniche amarrée le long de la médiathèque. Côte à côte avec le Barco Latino.
Au-dessus du bar intérieur situé à droite de l’entrée, trois vieux abat-jour en tissu renversés. Petits miroirs anciens ancrés aux murs peints en rouge. Tables en bois aux bordures dorées, petits tapis persans au sol. Une machine à pop-corn old style en vis-à-vis. Un lustre Baccara d’une autre époque qui, à mi-chemin du rez-de-chaussée plonge un étage plus bas vers une scène théâtrale de cent vingt places sur laquelle s’installe Shérazade Ferraj, jeune marionnettiste et première artiste accueillie en résidence par Océane Gil, fondatrice du lieu. Un joli accident de parcours, presque : «la fille s’installe un jour au café. Demande si elle peut me parler, me présenter son projet. Je l’écoute, y vois un bel univers, du potentiel mais beaucoup de travail encore à avancer. Je ne sais pas trop comment l’aider, puis lui demande si elle dispose d’une salle pour répéter ». L’idée ? « L’accueillir chaque mercredi pendant quatre semaines. Lui rendre accessible l’ensemble des équipements techniques ». Seule contrainte, en retour, y faire sa Première et répéter en public. Donner aux gens à voir l’envers du décor d’une création, sans filtre, sans entrave. Shérazade ne s’y attendait pas et accepte volontiers la proposition. Création in situ, open source.

Une volonté de faire bouger Strasbourg

Création in situ : ce pourrait être aussi un résumé de l’aventure onirique d’Océane. Quand on lui demande comment s’effectue le passage de comédienne à entrepreneur, la réponse fuse instinctivement : « Dans la douleur. Je pense qu’il faut avoir à la fois une grosse part de persévérance et d’inconscience pour s’engager dans une telle aventure. Monter un lieu culturel en France, ce n’est pas se tirer une balle dans le pied mais deux !  Mais bon, j’avais la volonté de faire bouger Strasbourg, d’y apporter des expériences nouvelles, alors je n’ai rien lâché. Finalement, acheter une coque de péniche de 1936, fut étonnamment le plus simple… ». Vint ensuite la conception architecturale, pensée deux ans durant avec l’architecte Chloé Kessler, les démarches administratives jusqu’à l’obtention kafkaïenne d’une autorisation de mouillage en l’absence de service véritablement dédié en centre-ville. Un manque qui fera prendre deux ans de retard au projet, mais finalement résolu depuis.

Programmation polymorphe

Les inspirations d’Océane : le Palais Mascotte, à Genève – un lieu des années 1830-40, avec des scènes sur plusieurs étages où, « en loges, tu croises par exemple une grosse dame qui est en fait un un monsieur » ; le Cirque Électrique à Paris, un établissement très polymorphe dans la programmation. Des lieux berlinois, où, « à la différence de la France, règne une véritable liberté d’expression ; où l’on vient comme on est ».
De ces voyages, de ces niches culturelles, Océane en rapporte des influences circassiennes, burlesques, des spectacles d’impro ou pour enfants, des apéros swing, des DJ sets. Traite directement avec des maisons de prod ou performeurs issus de ses propres réseaux ou de ceux d’amis, « chine » ses artistes sur Internet – beaucoup -, sans compter la petite dizaine de candidatures spontanées qui remplissent quotidiennement sa boîte mail.
« Ce que l’on défend ici est une ouverture d’esprit, revendique Océane. On ne force pas les gens avec une pioche ». Beaucoup, ici, fonctionnent au coup de cœur : « on peut tomber par hasard sur quelque chose qui va nous toucher. Nous n’avons pas cette démarche de nous acoquiner », jusque dans les spectacles pour enfants, inscrits dans un univers transversal, à l’image de Fracasse, de la Compagnie des Ô : un spectacle de Nicolas Turon, qui aborde une révolte d’enfants pour maltraitances, dans un orphelinat. « Ce que j’aime dans ce projet est que les comédiens jouent dans le public, pas seulement sur scène. Et puis, ce qui touche dans cette histoire est qu’elle est destinée aux enfants mais pas que, qu’elle te confronte à ta propre enfance, à ta propre histoire ».

Ruban , cerceau et shibari

Pour les plus grands, d’autres projets sont en construction. Déjà amorcés pour certains, comme le spectacle « Elles sont perchées ». Un concept renouvelé chaque trimestre « où l’on associe des artistes performeuses de l’Europe entière, le temps d’une soirée clôturée par un DJ set.» Parmi les premières à s’être investies dans le projet, Gluwur, une Chilienne vivant à Barcelone qui fait du trapèze cerceau et du shibari ; la compagnie parisienne Ursule et Madame, au chant ; Marleen, Djette allemande de Wuppertal ; Sonia Boissière, à la danse aérienne et au ruban.
« Pour la première soirée, qui s’est tenue début février, nous n’avons pas écrit de spectacle avec un fil rouge à la différence de la revue du Cabaret Onirique qui prendra corps en décembre prochain pour quatre soirs durant, pendant un mois et dont la thématique tournera autour des femmes qui ont marqué à leur façon l’histoire », poursuit Océane.
Mais les envies sont là : écrire, co-écrire, accueillir, accompagner en résidence, s’ouvrir au monde et à la différence, et créer un lieu à l’image de son nom. Inspiré par les rêves et leur mise en éveil.

Cabaret Onirique
Du mercredi au dimanche de 17h à 1h30.
Page Facebook et programmation : facebook.com/cabaret.onirique