Soirée vertigineuse pour Montagne en Scène 2017

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Jeudi 16 novembre avait lieu la 10e édition de Montagne en Scène à l’UGC. Avec ses deux versions – une en été, l’autre en hiver – ce festival de film de montagne propose depuis 2013, de faire un pas de côté et d’oublier la routine du quotidien le temps d’une soirée. Cette année à Strasbourg, ce sont plus de 2000 personnes qui se sont évadées le temps d’une soirée.

 

Dans notre précédent article sur Or Norme, nous présentions les six films de la sélection et aujourd’hui, nous vous proposons de revenir sur ceux qui nous ont marqués ou déçus avec Hugo et Léa, deux Strasbourgeois inconditionnels de Montagne en Scène.

Du ski, encore du ski, toujours du ski

Il est 23h, nous sortons tous les trois de la salle et nous partageons la même impression : beaucoup de films de descente (ski ou snowboard) ! Chacun de nous aurait aimé découvrir plus de créations originales qui abordent autrement la montagne, dans une conception plus large. “Un peu comme au Festival canadien de Banff ou dans les précédentes éditions de l’European Outdoor Film Tour – à venir le 29 novembre à Strasbourg – qui traitent de l’aventure dans la Nature au sens plus large”, indique Léa.

Très formatés, il est vrai que les films de free-ride actuels laissent une impression de déjà-vu s’ils n’ont pas l’audace de repenser le genre. Pour moi, Waking Dream est certainement le film le mieux écrit et le plus poétique de la sélection de Montagne en Scène. Les multiples séquences contemplatives remplissent la promesse du festival de “faire un pas de côté”, de reprendre son souffle et d’admirer les sommets. Pourtant pour Hugo, “on est dans de la grosse production”. Des skieurs – Sam Favret et Julien Herry – qui collent parfaitement avec l’image qu’on se fait du freerider aujourd’hui, c’est-à-dire intrépide mais cool, libre mais bien équipé (Rossignol et Rip Curl sont les sponsors du film) ; un hélicoptère qui tourne autour des skieurs et qui assure des vues à couper le souffle… “Le genre n’est franchement pas revisité. Des films comme celui-ci, on en trouve plein sur YouTube”, conclue Hugo.

Waking Dream – Official Trailer from Favret Sam on Vimeo.

 

Dans la même ambiance, Ya Mas Snowmads In Greece que l’on présentait comme le coup de cœur de cette soirée – est assurément la plus grosse déception. Pendant les 15 minutes que durent le film, le spectateur a plus l’impression de regarder la bande-annonce d’un film que le film en lui-même. C’est une aventure formatée et “instagrammable” que l’on découvre, où chaque ingrédient de la recette a été pensé avec trop de soin. Le camion aménagé est bardé de sponsors et se retrouve réduit au rôle de caution ultra-tendance de l’aventure ; la trame de fond qui entendait froisser les stéréotypes (aller skier en Grèce) ne s’approche même pas de son objectif puisque de la Grèce, on ne voit rien ; et la bande de potes “déjantés” n’a rien de plus que la vôtre, même si elle skie mieux.

Ce court-métrage ne raconte rien, ou alors les vacances de skieurs professionnels. Ce qui revient au même.

Ya Mas – Snowmads in Greece | Official Trailer from Snowmads on Vimeo.

 

Coup de cœur pour le vintage…

Mais la sélection de Montagne en Scène touche sa cible en plein cœur avec Marco Étoile Filante, la sélection Classique du festival. Si les autres films présentés ce soir ont été réalisés au cours des deux dernières années, la sélection Montagne en Scène Classique met à l’honneur un film réalisé plusieurs années auparavant. Et ce soir avec “Marco Étoile Filante”, nous avons découvert les exploits de celui qui a marqué l’histoire du snowboard (entre autres, descendre l’Everest sur sa planche) mais aussi sa personnalité attachante. Ce film réalisé par Bertrand Delapierre porte toutes les stigmates des réalisations de la fin du XXe siècle (une voix-off qui lit un texte trop lyrique, une construction du récit qui tranche avec le dynamisme des films actuels), mais il garde en son cœur tout qui a manqué à d’autres : l’empathie pour le personnage central et le frisson de la fin… “C’est un film entièrement construit sur l’émotion, avec la “vraie” histoire d’un mec en marge de la société de la montagne, un type qui trace sa route”, confient Léa et Hugo.

et pour le “fait maison”

La bande-annonce était un peu surfaite, on sentait l’hésitation du premier film, de la copie timide de mécanismes cinématographiques… Mais dès les premières minutes de Riso Patron, on est embarqués comme l’un(e) de membres de l’aventure ! C’est aussi le seul film de la sélection où apparaît une femme alpiniste. On en serait venu à croire que la montagne et les films de montagne ne sont faits que par et pour les hommes…

Riso Patron « Hasta las webas » from FODACIM on Vimeo.

 

Belle surprise donc pour ce film qui raconte l’expédition de 4 guides de haute montagne partis gravir la montagne la plus reculée du Chili, le Riso Patron. Les enjeux sont aussi immenses que ce sommet : dans cette partie réputée inaccessible de la Patagonie, le froid transforme les fjords en banquise qui rend les secours ou le ravitaillement impossibles. Enfin, pas de chemins, de sentiers ou de pistes dans cette nature encore vierge du pas de l’Homme. Antoine Moineville, le réalisateur raconte qu’il a “été énormément nourri par la personnalité de cette équipe qui incarnait l’aventure et l’audace Je m’identifiais. C’est donc par le cœur que j’ai voulu prendre ma caméra. L’énorme inconnue et la chance de succès extrêmement faible […] allaient forcément nous faire vivre quelque chose de total”. Et c’est pour cela que Riso Patron est un excellent film d’aventure : un film complet où l’expérience des protagonistes est brute, sans fard, vraie.

Pour Hugo, Léa et moi-même, c’est réellement à travers ces deux films, Riso Patron et Marco Étoile Filante que Montagne en Scène réussit à émerger et à se positionner comme un festival en rupture avec le genre. C’est parce qu’il présente des créations où l’émotion guide la caméra et où l’aventure est naturelle et non pas forcée que cette soirée reste en tête… et qu’on ne pense qu’à la prochaine édition !