Vivien Latuner, Pokaa man

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De l’énergie à revendre, des idées qui fusent, une attitude posée, beaucoup d’humour, et un ego au placard : rencontre avec Vivien Latuner, cofondateur de Pokaa, le média numérique strasbourgeois qui monte, qui monte…

Quand il a démarré l’aventure Pokaa avec son amie Maria Fernandes en avril 2014, Vivien était un peu lost in translation. Il venait de planter coup sur coup ses études en génie civil et en éco. Son projet de start’up « Stop pasta » pour aider les jeunes à trouver du boulot partout en Europe sur lequel il bossait depuis deux ans avec son frère venait d’être avorté. « C’était une période un peu compliquée, confie-t-il. À 23 ans, j’ai réalisé que je n’avais que mon bac en poche, je cherchais un but. » C’est à ce moment-là qu’il déménage de la rue de la Nuée Bleue à Homme-de-Fer. Avec Maria, ils se baladent alors dans le quartier et découvrent What the cake ? et La Mandragore. Maria, qui est photographe, prend quelques clichés. « Je me suis dit : mais c’est dingue, cela fait 4 ans qu’on est à Strasbourg et aucun média ne parlait de ce genre d’adresses. Ils n’étaient pas sur les réseaux sociaux, ils ne s’adressaient pas à nous. » Et l’aventure Pokaa commence. « Le surnom de Maria, c’est Pocahontas, d’où Pokaa. J’ai commencé à écrire sur des restos, des artistes. Elle faisait les photos. Au bout d’une ou deux semaines, des gens nous écrivaient. Au bout d’un mois, on était une dizaine dans l’équipe : on découvrait notre ville et on partageait nos découvertes avec les autres. »

Amoureux de leur liberté

Grâce à un petit patrimoine familial, Vivien se lance à 100% dans l’aventure : « Je me sentais plus vivant dans ce projet qu’en faisant le tour du monde. Les trois premières années, je ne me suis pas payé. Depuis septembre, je me verse un salaire microscopique et ça fait plaisir d’y être arrivé ! » À l’inverse, tous ses collaborateurs sont payés. « Au bout d’un an et demi, on avait 15 000 followers, on s’est structuré en association. »
Aujourd’hui, avec ses 72 000 followers sur Facebook, 20 000 sur Instagram et ses 600 000 pages vues entre son site et son appli, Pokaa passe à la vitesse supérieure en créant une société et en embauchant trois salariés à temps plein dans un premier temps. « On s’est voulu un média dans le contenu, on continue comme cela, on apprend tous les jours », souligne Vivien.
Loin d’avoir pris la grosse tête, le rédacteur en chef garde les pieds sur terre et son sens de l’éthique. « On a connu un petit flottement lorsque l’on cherchait notre modèle économique, reconnaît-il. On a pris un gros virage l’an dernier. Je commençais à ressentir la fatigue de faire 15 000 métiers en même temps, sans salaire, et en plus en étant critiqué. Ce que je faisais me passionnait, mais j’avais besoin de me projeter. J’ai grandi dans un village du Haut-Rhin, dans un cadre terre-à-terre. J’avais besoin de sentir que les choses se construisaient. »
Le nouveau modèle financier de Pokaa : un hybride entre média classique et guide de sorties, avec des bannières pubs et des partenariats. « Nous ne faisons pas de publi-rédactionnels, nous sommes trop amoureux de notre liberté pour ça. Nous avons 200 partenaires, mais aucun gros mécène. Donc si on en perd un, cela ne nous met pas en péril. »

© Maria Fernandes

Nos lecteurs, ce sont nos voisins

Pour le partenariat, Pokaa fonctionne sur le modèle du « Client mystère ». « Dans tous les cas, nos clients n’ont aucun regard sur le contenu, insiste Vivien. Notre modèle plaît aux restaurateurs qui font bien leur boulot… Et le tri, on le fait en amont. »
L’entrepreneur a en revanche lâché cette partie de son job après avoir testé pas moins de 200 restos ! Avec Maria, ils se sont aussi entourés de belles personnes, passionnées par l’aventure. « On a un ton léger car il y a de la légèreté entre nous. On s’amuse et on bosse en même temps. Notre cadre de travail est agréable. C’est la clé. »
En revanche, Vivien prend à cœur le sérieux des infos livrées : « Ce qu’on écrit a un impact. Nous allons mettre un cadre juridique à notre structure pour être tout à fait transparents. On a un côté média local auquel je tiens. Nos lecteurs, ce sont nos voisins. »
Ce qu’il aime, c’est humer la ville, la sentir. Et partir d’une feuille blanche pour développer des centaines de projets. « Le but n’est pas de faire de l’argent mais de continuer ce délire et d’aller plus loin. » Prochains en date : la V2 de leur application, la mise en place de vidéos avec une personne dédiée, et pourquoi pas un petit tour vers le print… Mais à la sauce Pokaa, évidemment. « Pokaa, ce n’est pas un blog, mais un courant, une façon de penser. Cela peut continuer après moi ! Mais on a créé quelque chose, un point de contact avec les gens. Tous les jours on reçoit des infos. C’est ce qui me conforte dans l’idée de grandir…»

Pour en savoir plus > www.pokaa.fr