La fin annoncée de FIP Strasbourg : ne pas se tromper de combat

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La rédaction de OR NORME STRASBOURG a appris juste avant sa date ultime de bouclage (le 23 novembre dernier) la condamnation à mort des animatrices locales de l’antenne de Strasbourg, dans le cadre du plan d’économies que Sibyle Veil, la présidente de Radio France, s’est engagée à réaliser d’ici 2022. Parmi les 299 postes qui se verront ainsi supprimés figurent les dix emplois de l’antenne de Strasbourg. Chronique d’une mort annoncée ? Non, peut-être pas, mais encore faut-il ne pas se tromper de combat…

 

Elles sont rentrées de Paris le cœur au bord des lèvres, quasi assommées. Elles, ce sont les deux « fipettes » strasbourgeoises qui avaient fait le voyage pour écouter la présidente du groupe Radio-France, Sibyle Veil, le 15 novembre dernier.
Pour faire simple, Agnès Sternjakob, qui travaille à FIP STRASBOURG depuis 1984 (contrat CDI) et Amélie Deymier (en contrat CDD depuis… treize ans) se sont entendues annoncer que le plan d’économies serait de 60 millions d’euros (soit trois fois plus que ce que le gouvernement souhaitait. Qui peut le plus…).
299 postes supprimés, donc ? Non, des « départs volontaires » a affirmé Sibyle Veil, « avec sa voix la plus douce » comme dit Amélie. Qui ajoute aussi sec : « En fait, c’est un plan social, un plan de licenciements mais la direction fait du marketing social, ce qui s’appelle prendre les gens pour des cons. C’est l’une des choses les plus violentes que j’aie jamais vécue… » conclut-elle.
« C’est aussi du mépris total à l’égard des régions, des auditeurs, des acteurs culturels, des artistes et des personnels ainsi qu’un déni de la culture en région » ajoute Agnès.

Sybile Veil

 

Pour être précis

On reviendra sans doute sur les mesures prises, mais l’urgence dicte d’ores et déjà de se mobiliser une nouvelle fois si l’on veut jouer la mince carte qui reste pour que l’antenne locale FIP Strasbourg puisse encore résonner de la voix de ses « fipettes » au-delà du 30 juin prochain. Car oui, si rien n’est fait, la fréquence strasbourgeoise de FIP (92.3 Mhz), dès le 1er juillet à minuit, ne diffusera plus que le ruban musical FIP national. Terminées, les centaines et centaines d’annonces des rendez-vous culturels quotidiens de la région, exit la voix familière de « nos Fipettes » locales. Rideau sur l’actualité culturelle locale et régionale. Fondu au noir de fin…

Evidemment, dès l’annonce de ces mesures, des milliers d’auditeurs se sont immédiatement émus, un groupe s’est créé sur Facebook et d’autres tweetent à tout va… Bref, l’émotion est à son comble mais le comité de soutien à FIP Strasbourg, qui s’était constitué depuis la dernière alerte il y a deux ans et dans lequel figurent nombre de « Fipettes », veut rappeler quelques réalités dont certaines ont été quelque peu malmenées ces derniers temps, en même temps qu’il trace la voix et la riposte et du combat.

L’enjeu est de perdre la programmation musicale de FIP sur la fréquence strasbourgeoise ?
NON. Le 1er juillet prochain, le ruban musical de FIP national sera toujours présent sur le 92,3 Mhz.

Pourquoi ne pas constituer une cagnotte via internet et les réseaux sociaux, racheter FIP Strasbourg et solliciter les collectivités locales pour qu’elles viennent en aide sous forme de subventions ?
IMPOSSIBLE ET ILLUSOIRE. Pour une bonne et simple raison : FIP STRASBOURG n’est pas à vendre et n’abandonne pas sa fréquence hertzienne, comme déjà précisé. Radio-France restera l’opérateur de la diffusion de FIP à Strasbourg, tout comme à Nantes et Bordeaux, les deux autres « locales » visées par les mesures envisagées.

Le danger est qu’il n’y ait plus d’informations sur les rendez-vous culturels locaux et régionaux ?
OUI. A partir du 1er juillet prochain, vous n’entendrez plus jamais les « Fipettes » strasbourgeoises vous indiquer les rendez-vous culturels autour de vous et les détailler. Vous ne pourrez plus bénéficier des fameuses places offertes aux auditeurs dans le cadre des accords entre l’antenne strasbourgeoise et les acteurs culturels locaux. La fréquence strasbourgeoise ne fera plus que relayer le programme national de FIP. Plus aucune âme qui vive dans les studios strasbourgeois. Rideau !
C’est un service public, financé par nos impôts, qui va disparaître. Un service public de proximité, plébiscité, et dont les résultats en terme d’audience font l’unanimité, un service public dont on reconnait de toute part la haute qualité en terme d’impact favorable sur la fréquentation des événements culturels, les directeurs des structures qui les programment étant tous unanimement consternés par la situation actuelle de FIP STRASBOURG.
Ce qui se passe, c’est l’assassinat d’un service public essentiel. Un de plus !

C’est la fin et plus personne n’y peut rien…
C’EST FAUX ! On en arrive là au cœur de la problématique qui va occuper désormais celles et ceux qui veulent défendre et sauver FIP STRASBOURG.
C’est le Parlement (Assemblée nationale et Sénat, le dernier mot revenant de par la loi constitutionnelle à l’Assemblée) qui contrôle le service public de l’audio-visuel (c’est à dire Radio France -dont FIP- mais aussi le groupe France Télévision, Arte, etc…). Ce contrôle s’exerce via la Commission Culture et Communication de l’Assemblée nationale où siègent des députés de tous bords et qui est toujours présidée par un député du groupe majoritaire, LREM depuis les élections de juin 2017, au lendemain de l’accession de Emmanuel Macron à l’Elysée.

Le président de cette Commission n’est autre que le député bas-rhinois Bruno Studer. On rappellera utilement que OR NORME l’avait interviewé dans son numéro 27, daté de décembre 2017.

Extraits : – « Sur le plan des informations locales, elle (Bérénice Ravache, directrice de l’antenne de FIP -ndlr) a entendu notre souhait qu’elles perdurent. Un point que j’avais personnellement abordé avec le président de Radio France. (Qui était alors Mathieu Gallet, condamné ensuite, en janvier 2018, à un an de prison avec sursis et à une amende de 20 000 euros pour délit de favoritisme – peine non effectuée, l’intéressé ayant fait appel – et révoqué par le CSA (Conseil Supérieur de l’Audiovisuel) à compter du 1er mars 2018 -ndlr).

-Autre extrait de l’interview de Bruno Studer dans OR NORME : « Elle (Bérénice Ravache, toujours) sait aussi que j’attends une meilleure communication et avec les politiques et avec les gens engagés en faveur de FIP dans les régions ».
« Pour les politiques, on ne sait pas mais en qui concerne la communication avec les gens engagés en faveur de FIP, on n’a plus jamais revu Mme Ravache à Strasbourg et elle n’a plus jamais communiqué avec nous » confirme Stéphane Litolff, un des membres du Comité de soutien à FIP STRASBOURG.

Bruno Studer

Pour continuer à être précis : c’est à vous de jouer, Monsieur Studer ! Vous avez toutes les légitimités possibles pour ça.

– Vous êtes député du Bas-Rhin et donc, au premier chef, concerné par le service public d’information et de soutien aux activités culturelles locales et régionales, ainsi qu’aux acteurs qui les génèrent. Vous n’êtes pas à convaincre de l’apport essentiel de FIP STRASBOURG dans ces domaines puisque vous souhaitiez, il y a moins de deux ans, qu’il perdure…

– Vous êtes surtout président de la Commission Culture et Communication de l’Assemblée nationale, en charge de l’audio-visuel public. Vous avez donc le pouvoir, qui vous est donné par la Constitution, d’inviter fermement la présidente de Radio France, Mme Veil, à reconsidérer les mesures qui frapperaient FIP STRASBOURG (ainsi que FIP NANTES et FIP BORDEAUX) et à maintenir ce service public local d’information et de soutien aux activités culturelles dans notre région.

Oui, Monsieur Studer, vous avez ce pouvoir ! Nul doute également que vous recevriez alors l’appui inconditionnel de vos autres collègues députés du Bas-Rhin. Monsieur Studer, messieurs les députés, les dizaines de milliers d’auditeurs de FIP attendent de vous que vous exerciez votre pouvoir. Et il conviendrait que vous ne les déceviez pas…

En raison de nos contraintes en matière de délais de bouclage de notre magazine trimestriel, nous n’avons pas eu le temps matériel de contacter directement le député Bruno Studer sur ces sujets. Ce dernier a fait savoir à l’un de nos confrères qu’il « attendait d’avoir eu un contact direct avec la présidente du groupe Radio France pour s’exprimer ». Nul doute qu’à l’heure où paraitront ces lignes, ce contact aura été établi…

OR NORME s’engage en faveur de FIP STRASBOURG que nous considérons comme un véritable joyau œuvrant avec un magnifique talent en faveur de la culture locale et régionale. D’ici la sortie de notre prochain numéro début mars prochain, beaucoup d’éléments surviendront.