Ils ont fait chanter les enfants-soldats d’Ouganda

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Ils ont fait chanter les enfants-soldats d’Ouganda,
rencontre avec Mayiha-Ta (Dadou) et Nadine Rodrigues

Un mot tout d’abord sur votre parcours personnel…

Nadine : « Je suis d’origine portugaise et ai vécu au Luxembourg, où habitent mes parents. Je suis arrivée à Strasbourg en 2010 pour suivre mes études de psychologie. Je n’en suis jamais repartie et ma passion personnelle pour la musique et le chant m’a fait entrer en contact avec les High Rock Gospel Singers, dont on n’arrêtait pas de me parler en bien. Je me suis inscrite en septembre 2011 et l’histoire d’amour continue… Je suis une formation d’assistante sociale mais le reste de mon temps est consacré à 80% à la musique.

Dadou : Je suis d’origine camerounaise et je suis arrivé dans la chorale en 2005, après que des amis qui connaissaient tout de ma passion pour la musique m’aient un peu forcé la main en insistant beaucoup. Je n’ai plus quitté les High Rock depuis et je m’y épanouis vraiment. J’ai terminé mes études et je cherche un emploi dans les relations publiques. Pour moi aussi, c’est la musique qui occupe la plus large place dans ma vie. J’ai d’ailleurs beaucoup de projets en commun avec Nadine…

L’aventure vécue grâce à Voix sans Frontières…

Nadine : Sophie m’a parlé pour la première fois de l’association lors d’un concert qu’on a donné en Tunisie, dans la cadre d’un festival de musiques sacrées. En janvier, Dadou et moi avons été invités par Sophie et Frédéric à une réunion dont nous ne connaissions rien du thème. Quand ils nous ont annoncé ce projet en Ouganda avec les enfants-soldats dans les camps de réfugiés, on a bien mis une demi-heure à réaliser que c’est à nous que tout cela était proposé… Ce qui était formidable, c’est que ce projet nous -je me permets de parler aussi pour toi, Dadou- ressemblait formidablement et qu’il regroupait toutes les valeurs et les centres d’intérêt que Frédéric nous a transmises avec les High Rock. Ça cadrait même avec tout ce qu’on aimerait faire de nos vies. Ce projet est tombé du ciel…

Et sur place ?

Dadou: Ce qui a été vraiment magique, en tout premier lieu, c’est l’expérience humaine que nous avons vécue. Dans le contexte des enfants-soldats et des réfugiés, on aurait pu se demander où tout cela nous emmenait. Nous avons rencontré des gens en attente de quelque chose mais nous l’avons présenté comme un partage, un échange et pas comme un apprentissage au sens classique. On a beaucoup parlé, puis on a chanté et au bout de 24 heures, on a commencé à tisser des liens extraordinaires. Et tout s’est enchaîné…

Nadine : C’était comme une partie de ping-pong. On leur donnait quelque chose, ils nous renvoyaient autre chose, un vrai échange. Ils nous ont réellement intégrés dans leur quotidien, dans leur vie. C’était incroyable. Quand on chantait ensemble, il y avait une énergie très particulière qui émanait de tous. Ils chantaient et dansaient en même temps, la terre tremblait sous leurs pieds… Dans une semi-pénombre car le soleil se couchait, on s’est à un moment retrouvés entourés par tous ces enfants, ils se sont mis à genoux pour prier et nous avons fait de même. C’était bouleversant…, mes larmes coulaient toutes seules, je n’avais jamais ressenti une telle énergie nulle part…

Dadou : Il faut dire que Voix sans Frontières n’avait pas en soi la simple idée de travailler la technique vocale, c’était beaucoup plus large que ça. Le partage a été extrêmement profond et important. La thérapie par la musique a débuté ainsi, en fait… Ils ne savaient plus à quel point ils avaient de la valeur, en tant qu’être humain. Ces jeunes étaient comme éteints, on a alors vu leur visage s’illuminer, leurs yeux se mettre à pétiller, leur sourire apparaître. Ils ont réalisé qu’ils comptaient, qu’ils étaient importants. C’était incroyable…

Nadine : On avait un vidéaste avec nous, qui filmait tout ça. Ce n’est qu’en regardant la vidéo qu’ils ont réalisé ce qui s’était passé pendant cette semaine et à quel point ce qu’ils avaient réalisé ensemble était beau. Ça les a incroyablement touchés et émus. Ils ont créé une chanson qu’ils ont d’ailleurs appelée Children of Peace. La chanson dit «Tu peux être ce que tu veux, tant que tu y crois et tant que tu travailles pour ça… » Quand on pense à tout ce qu’ils ont vécu et le regard que la société de là-bas porte sur eux, c’est évidemment un message très fort…

Trois mois après votre retour, en quoi êtes-vous tous deux plus riches qu’avant ?

Nadine : J’avais déjà conscience que la musique avait un énorme pouvoir. Avec cette expérience, je sais que la musique est une arme, dans le sens positif du terme bien sûr, qui peut faire réaliser des choses magnifiques. Ces enfants nous ont ouvert les yeux sur beaucoup de choses, mon retour ici a été très dur à gérer…

Dadou : Bien sûr, on les a aidés à reprendre confiance en eux, on les a réinstallés dans le fait d’avoir pleinement conscience de leur valeur. Mais eux aussi m’ont beaucoup apporté : j’ai vraiment réalisé tout l’impact de ce qu’on peut donner à un être humain. Quelquefois, on l’oublie ici, quand on est installé dans notre quotidien…

Nadine : On n’a qu’une hâte, retourner en Ouganda, les retrouver…

Dadou : Oui, il faut bien avouer qu’ils nous manquent terriblement…

 

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