Un Alsacien au Japon – épisode 69

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Du grain à moudre

Quand on pense à une boisson japonaise, nous vient à l’esprit le thé (voire le saké pour les plus festifs), pourtant l’Archipel raffole d’un autre breuvage : le café.

Dans la rue, dans les stations de métro, chaud ou glacé, c’est la boisson numéro une des salarymen pour tenir les lendemains de cuite et autres heures supplémentaires. On trouve d’ailleurs une large gamme de cafés dans les distributeurs de boissons, plus ou moins sucrés, noirs ou au lait mais qui mettent tous en avant un savoir-faire ancestral de torréfacteurs et un taux élevé de caféine, stars du grand écran à l’appui (Tommy Lee Jones ou Takeshi Kitano étant les plus célèbres). Parfaite pour un petit-déjeuner sur le pouce ou une pause libératrice, la canette d’aluminium finira invariablement en cendrier (pas sûr que nos stars aient signé pour ça). Pour le reste, le café c’est évidemment “les cafés”, et l’on retrouve toutes les enseignes célèbres de par le monde agrémentées de recettes nippones, lait au soja et bagels aux crevettes en plus. Là encore, notre salaryman sera à l’aise, ces lieux étant équipés de sortes d’aquariums en verre pour les fumeurs. Décidément, le “café-clope” a encore de beaux jours devant lui au Japon…

Des cafés partout, du café partout

Aux machines et chaînes internationales viennent encore s’ajouter de petits débits qui tiennent parfois sur 2m², dans une caravane ou même une remorque à vélo sur le trottoir, pour un café en vitesse, debout ou à emporter à votre prochaine réunion. Les supérettes de proximité (konbini) ne sont pas en reste et proposent elles aussi de vous régaler de leur arabica à moins d’un euro. Au milieu de tout cela, et si jamais vous n’avez toujours pas fait le plein de caféine, vous pouvez être quasi certain que le prochain magasin de vêtements ou de bibelots aura son coin café. Des cafés partout, du café partout, vous comprenez mieux désormais pourquoi ces gens sont si actifs ! Il faut dire que ces débits, en dehors de fournir leur dose aux accros, ont une vraie utilité sociale. Le prétexte de prendre un café sert ainsi à tout autre chose et les intérieurs des grandes enseignes ressemblent parfois à tout sauf à un lieu où l’on vient prendre une boisson. Salle de classe ou de réunion, bibliothèque, bureau, dortoir ou encore boudoir, le café est un lieu à soi, que l’on s’approprie et où l’on recrée ses habitudes loin de la maison. Les managers en font les frais et tentent à grands renforts de pancartes et d’autocollants de préciser que les canapés ne sont pas des canapés-lits et que les tables de comptoir ne sont ni des studios de maquillage, ni des rédactions de magazines.

Malgré cela, vous ne verrez personne réveiller cet étudiant éreinté qui a littéralement piqué du nez sur son clavier de portable et risque d’être là jusqu’à extinction des feux. Le café, indépendamment de ce qu’on y boit, est donc surtout un lieu pratique, où l’on récupère, papote ou travaille. Voilà pour le classique lieu où l’on vous demande votre nom au moment de votre commande (conseil, trouvez-vous vite un alias facilement compréhensible si vous voulez espérer avoir votre boisson). Il existe cependant d’autres versions du traditionnel café, tout en japonaiseries cette fois. Ainsi, celui aux décors à l’effigie de mangas et où l’on se rend comme si on visitait un parc d’attractions (comprenez beaucoup de cris de demoiselles, beaucoup de selfies et de produits dérivés). Quand ce n’est pas une peluche géante qui vous accueille, l’appellation café peut aussi sous-entendre maid cafe. Beaucoup moins enfantin, car dans ces lieux-là, c’est une jeune femme habillée en soubrette qui vous sert… Des mascottes bedonnantes ou des hôtesses courtement vêtues, il ne manquait donc plus que des animaux pour parfaire le panel de ces prestations caféinées et le Japon est également célèbre pour ses cafés où, entre un café éthiopien et un brésilien vous pouvez caresser un chat (japonais celui-là) ou une chouette, voire un serpent pour les plus hardis. Partagé entre pause gourmande et ménagerie, vous commencez à regretter le calme et la douceur de la cérémonie du thé.

(Re)découvrir l’épisode précédent > Un Alsacien au Japon – épisode 68