Un Alsacien au Japon – épisode 1

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Chronique d’un départ annoncé

 

Ce matin on m’a livré ma valise, un énorme colis qui ne pesait rien, c’est curieux quand on y pense de se faire livrer un objet très justement inventé pour transporter des choses.

En déballant le carton je me suis rendu compte qu’elle n’avait pas la même couleur que sur le site. Cette valise est rose finalement. Qu’importe, du coffre d’un taxi à la soute d’un avion, je ne risque pas la faute de goût, en plus c’était une affaire et ce sera un aller simple. Elle est donc là, posée au milieu du salon, ouverte comme un fruit fendu, ne reste plus qu’à la remplir.
Instinctivement, je plaçais d’emblée une trousse à pharmacie. C’est à ça qu’on reconnaît un hypocondriaque, il préfère guérir que prévenir. Voilà pour le placebo, mais comment ne rien oublier d’autre d’important ?

Tout faire rentrer dans 20 litres de plastique flashy

Un peu de méthode, tâcher d’imaginer ma vie une fois sur place, de quoi aurais-je besoin ? Rien que le nécessaire, tout doit rentrer dans ces vingt litres de plastique flashy. En réalité c’est surtout ma vie ici qu’il va falloir trier. D’abord les papiers, passeport, demande de visa, tout ce que l’on peut exiger de moi et que je vais devoir montrer solennellement à un employé du bureau de l’immigration, doigts croisés et grand sourire, en attendant son verdit (si il me refuse mon tampon, je serai bon pour un aller-retour, j’aurai vraiment amorti ma valise).

Quoi d’autre ? Ma musique, heureusement téléchargée, mes écouteurs, indispensables à 12 heures de vol (s’éviter les consignes de sécurité en trilingue), un adaptateur universel…

Quid des paires de chaussettes

Il faut que j’emmène mon ordinateur, mes carnets de notes, tous mes travaux en cours, une véritable publicité pour Moleskine.
Ne pas oublier non plus mon carnet d’adresses. Plus personne ne possède ça désormais, mais je n’ai toujours pas succombé à Facebook et j’aime envoyer du courrier aux gens. Quel temps fera-t-il quand j’arriverai ? Google me dit « 14,4°C », autant donner mes affaires d’hiver à l’Armée du Salut. En revanche, il va pleuvoir (j’adore ce mot, « précipitations », tellement barbare alors qu’on parle de la pluie). Il faut que je retrouve cette veste de randonnée. Quid des paires de chaussettes. Préférer celles à pois ou à rayures ? Éviter le faux-pas. Dois-je prendre mon costume ? Je pourrais avoir un rendez-vous important, même si personne ne m’attend.

Voilà pour l’aspect pratique mais que faire de tous ces souvenirs ? Cadeaux, bibelots, objets à l’époque presque nécessaires, aujourd’hui quasi futiles. Tout mettre en carton ? Même mon magnifique cobra blanc empaillé ? Surtout mon magnifique cobra blanc empaillé ! Donner certaines choses, comme cette collection de Laser Disc ; je sais déjà à qui cela ferait plaisir. Les plantes, elles-mêmes héritées d’un ami parti à l’autre bout du monde (mais dans l’autre direction), à qui les confier ? Il faut que je trouve quelqu’un qui a la main verte. Surtout pas à elle (Caroline), plutôt à lui (Yves). Les meubles, quant à eux, sont déjà presque tous vendus. Ils ne seraient de toute façon pas rentré dans mon futur 30m².

Un barbare en Asie plutôt que Le Monde terrible ?

Reste à savoir quoi faire de tous ces livres. Impossible de se les faire envoyer, pas tout de suite en tous cas. Il faudra les stocker dans un endroit sûr, à l’abri de l’humidité, bien emballés, comme un trésor, surtout pas dans une cave, peut-être dans un garage, un grenier ? Combien pourrais-je en emporter avec moi ? Au moins deux ou trois, je les prendrai en bagage à main. Quelques livres dans mon sac à dos, il y a un peu de place. Juste un ouvrage par auteurs préférés. Quelle est la taille maximale autorisée d’un bagage à main ? Et si j’en prenais plusieurs, mais des fins ? Non, il vaudrait mieux en prendre des épais, qui me dureront plus longtemps et que je relirai. Il faudrait pouvoir prendre un peu de tout, comme dans un buffet à volonté. De la poésie, du roman, un essai. Oublier les livres d’art, malheureusement trop encombrants. Comment choisir ? Se fier aux couvertures peut-être ? Ou alors aux titres ? Certains résonnent comme des prémonitions : Le Monde terrible, Au cœur des ténèbres, L’œuvre de la nuit. Évitons les mauvais présages, je prendrai plutôt avec moi Une vie ordinaire, L’œil et l’esprit ou tout simplement, Un barbare en Asie.

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