Un Alsacien au Japon – épisode 5
Comme sur des rails
Si vous voulez un bel exemple de la surprenante culture japonaise, il vous suffit de prendre le métro. Le système de lignes et de terminus étant le même partout dans le monde, vous vous dites que ça ne doit pas être bien sorcier et vous entrez dans la bouche de métro.
Première étape, le ticket ! Heureusement, la machine propose une notice en français (oui, madame), mais en revanche elle vous indique aussi plusieurs tarifs… Car il vous faut en effet payer en fonction d’où vous voulez vous rendre, un plan au-dessus de la borne montrant les tarifs par trajets. Vous pensez avoir misé juste et passez les bornes automatiques. Là, vous rentrez dans un autre monde. Le métro reste l’indicateur clé du degré de civilisation d’un peuple (un peu comme l’utilisation du savon jadis) et vous comprenez très vite que vous allez assister ici à une démonstration exemplaire.
Tout est impeccable
C’est évidemment bourré de monde, ça court dans tous les sens, mais dans une sorte de discipline toute japonaise. Pas de bousculade, pas de tension, tous se meuvent avec la même conscience de l’autre. Pas de foire d’empoigne donc, ce qui vous laisse le loisir d’observer tous les autres détails… La propreté vous saute aux yeux (d’autant plus qu’il n’y a quasiment pas de poubelles dans les lieux publics, on jette ses détritus chez soi) et un rapide arrêt pipi vous prouve que même aux toilettes tout est impeccable. Vous remarquez ensuite d’étranges marquages en relief jaunes au sol, c’est tout simplement l’ensemble du réseau qui a été adapté pour les mal-voyants !
Vous arrivez à votre quai, un peu gauche, vous observez vos futurs co-voyageurs qui, sans lever les yeux de leurs smartphones, se positionnent de part et d’autre des portes d’embarquement. Le prochain métro devrait arriver dans une minute, ah non, il est déjà là en fait ! Ici aucun retard n’est toléré.
Les portes s’ouvrent et on laisse les gens sortir avant de rentrer à son tour. Logique me direz-vous, mais plus rarement vécu. Dehors ça siffle à tout va, un employé sur le quai indique que vous allez partir, uniforme de pilote et gants blancs, il montre du bout du doigt d’où est venu le métro et vers où il se dirige, des fois qu’on ait un doute…
Politesse
Vous êtes debout, accroché à votre barre, ça pianote dans tous les sens, ça dort profondément, les gens sont plutôt à leur aise et vous apercevez un coin réservé aux femmes enceintes et personnes âgées. Une jeune dame bien en rondeurs est assise mais se lève rapidement pour proposer sa place à une vieille dame, on ne rigole pas avec la hiérarchie, surtout quand il s’agit de politesse.
Mais ce n’est pas fini, à l’arrêt suivant, c’est une très vielle dame qui rentre dans le wagon, et à la première mamie de laisser à son tour son aînée s’asseoir. Vous aimeriez bien rester pour voir jusqu’à où peut mener ce petit jeu, vu l’espérance de vie au Japon cela pourrait encore durer quelques rounds, mais c’est votre arrêt. Pour ressortir, même règle basique mais pleine de bon sens, on vous laisse tranquillement descendre sur le quai. Dans l’escalator vous serrez votre gauche (car nous n’êtes pas pressé, vous).
Une machine qui rend la monnaie
Après un moment d’hésitation sur la sortie à prendre, vous vous apprêtez à passer la borne de contrôle quand deux portes surgissent de nulle part, vous coupant dans votre élan (le tout en musique). Vous êtes gêné, surtout que vous bloquez le flux d’arrivants. Un contrôleur vous a repéré et vous fait signe de venir vers sa guitoune. Il en sort et vous montre un petit appareil installé sur le côté de la sortie. Là encore, en version française, la machine vous apprend qu’elle est là pour faire l’appoint. Vous avez dû vous tromper et mettre trop peu d’argent pour le trajet. Et bien non, c’est le contraire, vous aviez trop payé et la machine vous rend quelques yens. Elle est pas belle la vie ?
Le contrôleur vous regarde passer cette fois sans encombre, vos yens dans la main vous sentez justement la bonne odeur provenant d’un marchand de pains au melon, c’est l’heure du goûter !