Un Alsacien au Japon – épisode 6
Non de nom
Qui dit nouvelle installation dit administration… Ce type de mission est toujours pénible mais vous vous dites que vu l’efficacité des Japonais, ici ça sera réglé en deux temps, trois mouvements. Un beau matin vous vous mettez donc en route pour la mairie de quartier car il vous faut vous enregistrer auprès du gouvernement, étape obligatoire pour pouvoir ensuite ouvrir un compte en banque et une ligne téléphonique. Votre quartier couvrant presque l’étendue d’un hameau, vous préparez votre expédition avec itinéraire de métro et plan jusqu’à la mairie. Sur le chemin vous vous demandez tout de même comment vous allez vous en sortir avec vos deux mots de vocabulaire japonais.
Arrivé à la mairie sans trop vous perdre (seulement deux fausses routes, beau score), vous découvrez un immense bâtiment et ses différentes ailes. Heureusement, un plan en bilingue vous indique où vous rendre et à peine arrivé, l’hôtesse d’accueil fait venir l’interprète. La dame parle anglais, vous explique le topo et vous donne un numéro vous invitant à attendre votre tour. Vous n’êtes manifestement pas le seul à avoir besoin d’un papier et toutes les deux minutes un employé crie un chiffre que vous espérez fébrilement être le vôtre.
Un interprète à la rescousse
Cet espèce de Loto vous lasse vite et comme tout le monde, vous regardez la télé pile poil devant vous. Les employés qui passent se baissent pour ne pas entraver le cours de votre émission et au bout d’une heure vous avez presque l’impression d’avoir compris le sujet de leur Télé-Matin. Vous commencez à trouver le temps long et êtes sur le point de piquer du nez quand vous vous rendez compte que vous n’attendez pas du tout au bon endroit… Vous vous êtes trompé de salle d’attente et votre tour est passé depuis longtemps. Vous retournez alors prendre un ticket, on s’excuse au passage que vous ayez pu vous méprendre. Cinq minutes après, c’est votre tour, voilà qui est plus japonais !
On s’apprête à vous remettre votre carte de résident, ne reste qu’à noter votre nom… Oui, mais lequel, car les Japonais sont très procéduriers et sur votre passeport figurent vos seconds prénoms… L’interprète est rappelée à la rescousse, vous expliquez que ces autres prénoms sont ceux de feu papy, hochement de tête du type au comptoir, petite mine réprobatrice, tout doit être noté et rentré dans des cases mais là ça ne colle pas ! L’interprète y met du sien, on choisit à votre place, un nom est traduit en japonais, on tamponne un papier et vous voilà avec votre carte de résident.
Courbettes
Avec cette nouvelle pièce d’identité au nom de votre grand-père adoré, vous pouvez désormais vous rendre à la banque pour ouvrir un compte. Là, vous avez prévu le coup et grâce à Internet, trouvé une société qui propose des services en anglais. Le siège est à l’autre bout de la ville, forcément. Après trois quarts d’heure de métro vous déboulez en plein quartier des affaires, immeubles immenses et costumes trois pièces. Vous n’êtes pas encore rentré dans la banque qu’on vous salue déjà, cela ne s’arrêtera pas durant votre longue montée de 20 étages, à chaque employé croisé, courbette assurée.
Avec les lombaires en vrac vous arrivez enfin au guichet où une gentille dame s’occupe de vous. Ouvrir un compte ne pose pas de souci (un banquier reste un banquier, même à l’autre bout du monde), ne reste qu’à faire les vérifications d’usage et remplir un petit questionnaire. Après avoir assuré à tout le monde que vous n’avez aucun lien avec la mafia japonaise (yakuza), reste à remplir votre formulaire. On vous demande vos pièces d’identité. Passeport, carte de résident, vous tendez vos précieux sésame, on vous sourit, on fixe les documents, second sourire plus crispé puis l’on vous demande : « mais quel est votre prénom ? ».