Un Alsacien au Japon – épisode 41
Le repos des guerriers ?
La surprenante longévité des Japonais est un trait connu partout dans le monde avec notamment la région d’Okinawa et son fameux régime qui détient le record mondial de centenaires (record qui risque malheureusement de ne pas être maintenu bien longtemps, la nouvelle génération préférant les fast-foods au tofu). Il est vrai que dans votre quotidien, à la ville comme à la campagne, vous croisez beaucoup de personnes âgées et pour cause, les enfants issus du baby-boom d’après-guerre vont désormais sur leurs soixante ans et sont quelques 6,8 millions rien qu’à Tokyo. Voilà qui fait du monde sur les bancs des parcs ! Ces papis et mamies, en majorité bien portants, sont très actifs et certains même travaillent encore. Des emplois de gardiens ou concierges, qui rajoutent du plomb à la cloche d’une maigre retraite. Pour les autres, plus chanceux, c’est enfin le repos après une vie de labeur. On fait du tourisme, du sport, on s’adonne aux arts et au shopping.
la couleur rouge, signe de longévité
Vous avez appris qu’il existait d’ailleurs à Tokyo un quartier consacré uniquement aux personnes âgées : le quartier de Sugamo. Ainsi, sa rue principale, Jizo-Dori est une succession de 200 boutiques, restaurants et pâtisseries qui n’ont d’autre but que de satisfaire ces consommateurs du 3ème âge. La particularité des lieux tient dans le fait que la majorité du prêt-à-porter est ici de couleur rouge, signe de longévité. Une population qui profite donc des plaisirs de la vie et qui manifeste une grande gentillesse. Vous ne comptez plus les fois où, en ayant cédé votre place dans le métro vous avez eu droit à de grands sourires et des mercis en cascade suivis de quelques mots gentils.
le 3ème âge est majoritairement favorable aux nouvelles technologies
Même chose dans un parc ou un temple, il y aura toujours un aïeul pour vous montrer une plante, un animal ou encore vous mimer comment prier. Des gens bienveillants et ouverts, contents de voir que des étrangers s’intéressent à leur culture et qui sont ravis de partager leur savoir. Hélas, vieillir ce n’est pas que prendre le goûter entre amis ou peindre des décors de cartes postales et le Japon manque cruellement de structures pour s’occuper de cette population. C’est pourquoi, même si l’image du robot fait rire en Occident, cette éventualité est ici bien crédible et les pouvoirs publics d’investir dans la recherche et le développement afin de mettre au point des aides à domicile d’un genre nouveau. Solution inenvisageable ailleurs dans le monde mais qui ici est totalement acceptée, le 3ème âge étant majoritairement favorable aux nouvelles technologies.
À force de les côtoyer dans vos pérégrinations quotidiennes, vous avez envie de tous les adopter ces petits vieux. Jardiner avec le voisin (qui malgré son âge canonique grimpe encore à l’échelle), promener le chien avec la voisine (entendez par-là pousser la poussette du chien). Bref, vous avez envie de rendre à votre tour toute cette gentillesse. Parmi ces rencontres du 3ème âge, il y a un personnage que vous affectionnez particulièrement, c’est le concierge de l’immeuble où vous avez votre bureau. Un petit monsieur sans âge, qui tous les matins nettoie l’entrée à grands coups de jets d’eau et avec lequel vous prenez toujours le temps d’échanger quelques mots. Car M. Watanabe parle un peu français. De retour d’un voyage à Paris avec sa femme, il a décidé d’apprendre la langue et, avec toute la rigueur nippone, étudie en autodidacte depuis trois ans. Sérieux et appliqué, il passe même des tests pour faire valider ses avancées. En ce moment M. Watanabe bute sur le subjonctif et vous confie donc naturellement ses tracas de conjugaison. En tant que Français vous faites pour lui autorité en la matière si bien qu’il vous arrive de dispenser des leçons à l’emporte-pièce dans la cage d’escalier. Désormais vous craignez la colle du matin, car votre étudiant est précis dans ses questions ; pas toujours facile de s’improviser prof. Le mois dernier, un vendredi, vous avez trouvé M. Watanabe derrière sa petite guitoune plongé dans ses révisions. Evidemment, vous étiez bon pour une petite leçon particulière, surtout que dimanche il avait un examen. Le lundi, en arrivant au bureau, M. Watanabe vous attendait dans l’entrée de l’immeuble avec un magnifique melon, emballé comme un bijou (ici c’est un cadeau prestigieux car les fruits sont très chers). En vous tendant le précieux dessert il vous déclarait fièrement : « j’ai réussi mon test ! »