Un Alsacien au Japon – épisode 48

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Stammtisch tokyoïte

 

À force de vivre parmi eux, vous avez commencé à adopter les habitudes des Japonais. L’une d’entre elles, plutôt sympathique au demeurant et à laquelle vous avez facilement souscrit est le traditionnel apéro après le travail. Ici on ne se retrouve pas vraiment au comptoir, mais plutôt à de petites tables sans prétention, autour desquelles on partage des plats tout en levant le coude.À Tokyo vous trouvez ces izakaya (bars-restaurants) à tous les coins de rue mais il existe cependant un lieu particulièrement charmant : Ebisu-Yokocho. C’est le nom d’une ruelle couverte, coincée entre deux immeubles et qui réunit une dizaine d’izakaya collés les uns aux autres dans une ambiance chaleureuse et décontractée.

irasshaimase !

À peine vous avez fait glisser la porte d’entrée que vous êtes déjà dans un autre monde. Passé 18h, l’endroit est toujours bondé. On rit de bon cœur, on hurle « bienvenue » (irasshaimase !!) à tous les nouveaux arrivants, une forte odeur de friture et de cigarette plane (et ce malgré la climatisation à fond). Vous êtes dans le repaire des salarymen en fin de journée. Il est clair que ce n’est pas le lieu le plus recommandé pour un dîner galant. Ici on mange collé à son voisin, les fesses sur un tabouret avec une planche en bois posée sur une caisse de bières en guise de table. Comme décoration, quelques lampions, des photos des habitués, voire juste la carte des mets déclinée à même les murs, ce qui tombe bien car chaque restaurant à sa spécialité. Yakitori (brochette de poulet), tempura (beignet de légumes ou de crevettes), sashimi (poisson cru), okonomiyaki (sorte de galette fourrée) ou encore uni (oursin); il y de quoi répondre à toutes les envies, pour peu qu’il y ait de la place ! Heureusement, les clients s’enchainent et l’on finit toujours par trouver une table. Il est de bon ton effectivement de ne pas rester au-delà d’une heure pour que d’autres puissent profiter aussi des lieux. Si vous avez oublié de regarder votre montre on finira immanquablement par vous apporter la note de façon à vous faire comprendre qu’il faut passer le relais (mais rien ne vous empêche alors d’aller continuer votre soirée juste dans le restaurant d’à côté ceci-dit).

Niveau santé publique on repassera

Votre choix fait et une fois installé à votre table de fortune, on vous tend des serviettes immaculées (chaudes ou froides, ça dépend de l’humeur du patron), de quoi vous nettoyer les mains et décontracter votre nuque douloureuse après votre journée au bureau. Vous profitez de cet élan hygiéniste car il faut bien l’admettre, l’endroit est tout de même assez sale. Pas une saleté dégoutante, mais plutôt de celles qui laissent entendre des plats bien gras et des soirées arrosées. Niveau santé publique on repassera, ici la loi Evin, connaît pas. On est bien loin des standards européens donc et un inspecteur de l’hygiène ferait sûrement une attaque s’il était avec vous ce soir. Qu’importe, c’est dans les vieilles gamelles qu’on fait la meilleure cuisine et il n’y a pas à douter que vous allez passer un bon moment.

On vient justement vous voir pour prendre votre commande ; vous arrivez à décoder la carte et demandez, dans votre japonais approximatif, du sake. Le patron, un vieux monsieur, s’empresse de revenir avec des petits verres transparents, posés dans des boîtes en bois et qui débordent d’alcool (pour bien le déguster, il faut d’abord boire son verre puis verser le fond de la boîte dans le verre pour finir). Entre-temps vous vous êtes décidé pour les plats et, en plus des racines de lotus grillées, avez commandé ce qui semble être du fromage. Au moment de vous ramener votre commande (un ersatz de Kiri qui trempe dans de la sauce soja) le patron vous dépose en plus deux brochettes et vous gratifie d’un clin d’œil accompagné du nom du plat : « takoyaki » (des boulettes de pâte à crêpes fourrées au poulpe). En réalité vous êtes arrivé tard ce soir et le restaurant fermera sous peu, le patron préfère donc offrir ses produits aux clients plutôt que de les jeter. Le personnel a d’ailleurs fini son service et s’assied avec vous. Vous trinquez tous ensemble et le vieux monsieur vous ramène encore de quoi grignoter ainsi qu’une tournée de sake. Alors qu’il range, il vous fait signe de prendre votre temps pour finir votre plat et votre verre. Vous ne résistez pas au réflexe d’aider le vieillard à ranger sa petite salle (impossible de dire s’il a 80 ou 100 ans, ici on ne sait jamais), même si vous savez très bien qu’il ne vous a pas attendu pour tenir son commerce. Le restaurant ferme pour de bon, après une litanie de mercis, vous quittez cette drôle de rue en ayant l’impression de rentrer de voyage.

 

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