Un Alsacien au Japon – épisode 49

Partager

Corps étrangers

 

Il y a de ça quelques semaines vous vous êtes rendu au New National Theatre de Tokyo pour assister à une représentation de butō (bu, danser et , taper sur le sol). Intéressé par la danse, vous étiez curieux de découvrir cette forme propre au Japon. Apparu dans les années 60 et en réaction aux tensions politiques d’après-guerre, le butō est une danse en rupture totale avec les autres arts corporels traditionnels comme le théâtre du (pantomime) ou du kabuki (théâtre épique). Avant-gardiste et subversif (même s’il emprunte aux croyances bouddhistes et shintô), le butō est une danse proche de la performance et qui met en scène des interrogations existentielles. Les danseurs, crâne rasé et corps quasi-nu peint en blanc, interrogent ainsi les affres de la vie à travers un spectacle minimaliste et pourtant plein de poésie.

La compagnie qui joue cet après-midi s’appelle Sankaï Juku (« L’atelier de la montagne et de la mer« ), elle est l’une des plus réputées car fondée en 1975 par le chorégraphe Ushio Amagatsu, maître incontesté de cet art dans le monde entier et qui danse toujours, à 69 ans passés. À peine plongé dans le noir, vous découvrez une scène dépouillée, couverte de poussière dans laquelle s’inscriront les traces des danseurs, comme des souvenirs de leurs mouvements. Des mouvements tantôt lents, tantôt vifs, parfois saccadés, les corps à la fois beaux et effrayants courent, bondissent, convulsent pour mieux exprimer leur trop plein d’émotions. Assis dans votre siège, petit à petit, vous vous laissez transporter par ce spectacle de souffrance et de beauté. Ces corps que vous n’imaginiez pas pouvoir se mouvoir de la sorte, meurent et renaissent devant vous en une catharsis libératrice. Des larmes perlent à vos yeux et quand la lumière s’allume, vous n’êtes pas le seul mouchoir à la main. Pour une fois, il n’y a aucune barrière culturelle entre vous et vos voisins. Vous ressortez de la salle troublé, changé : meilleur.

Nous nous servons de notre corps comme d’un crible où passent la volonté et le relâchement de la volonté

Antonin Artaud

> Lire l’épisode 1

> Lire l’épisode 2

> Lire l’épisode 3

> Lire l’épisode 4

> Lire l’épisode 5

> Lire l’épisode 6

> Lire l’épisode 7

> Lire l’épisode 8

> Lire l’épisode 9

> Lire l’épisode 10

> Lire l’épisode 11

> Lire l’épisode 12

> Lire l’épisode 13

> Lire l’épisode 14

> Lire l’épisode 15

> Lire l’épisode 16

> Lire l’épisode 17

> Lire l’épisode 18

> Lire l’épisode 19

> Lire l’épisode 20

> Lire l’épisode 21

> Lire l’épisode 22

> Lire l’épisode 23

> Lire l’épisode 24

> Lire l’épisode 25

> Lire l’épisode 26

> Lire l’épisode 27

> Lire l’épisode 28

> Lire l’épisode 29

> Lire l’épisode 30

> Lire l’épisode 31

> Lire l’épisode 32

> Lire l’épisode 33

> Lire l’épisode 33

> Lire l’épisode 34

> Lire l’épisode 35

> Lire l’épisode 36

> Lire l’épisode 37

> Lire l’épisode 38

> Lire l’épisode 39

> Lire l’épisode 40

> Lire l’épisode 41

> Lire l’épisode 42

> Lire l’épisode 43

> Lire l’épisode 44

> Lire l’épisode 45

> Lire l’épisode 46

> Lire l’épisode 47

> Lire l’épisode 48