Un Alsacien au Japon – épisode 61
Toile de maître
« Alors, t’as vu le dernier film de… ? » Par e-mail ou par téléphone, vous n’en pouvez plus de cette question. En France vous aviez l’habitude de partager votre passion du cinéma avec vos amis. Seulement, depuis que vous êtes au Japon c’est devenu impossible. Ou plus exactement, c’est possible, mais avec 6 mois de décalage. Vous avez effectivement découvert assez rapidement que les Japonais se moquent éperdument du cinéma occidental. Peu de films traversent le Pacifique, à part les gros blockbusters américains et ils arrivent alors avec plusieurs mois de retard.
De longs mois pendant lesquels il vous faut couper court aux emportements de vos amis et à vos lectures sur Internet de peur de vous spoiler le film. En revanche, une fois que le film débarque enfin dans les salles nippones, là, la communication est colossale. Pour exemple, à la sortie dernier épisode de Star Wars, ce sont carrément les rames du métro et les jingles des stations qui ont été remaniées sauce Georges Luca et John Williams. Tous les écrans de publicité passaient la bande-annonce en boucle, vous obligeant à marcher tête baissée dans la ville. Pour le reste, la programmation des cinémas fait la part belle aux productions japonaises qui, il faut l’admettre, vous dépassent complètement. Les films sont souvent des drames ou des enquêtes policières, le rythme y est très (très) lent, les femmes pleurent beaucoup et les hommes ne pipent pas mot. Surtout, c’est la qualité même des films qui est étonnante, puisqu’on dirait des séries télévisées des années 90… Décors en cartons, acteurs qui surjouent et scènes d’action bringuebalantes, difficile d’accrocher. Vous avez bien essayé de discuter de cela avec vos amis japonais mais ils ne comprennent pas vraiment ce que vous reprochez à leurs stars locales.
des idéogrammes sur un écran de 300m² c’est quelque chose
Quand vous leur demandez ce qu’ils aiment comme films, ils vous répondent Jean-Luc Godard, autant par politesse que par amour de la France. La sortie ciné vous laisse donc peu d’options mais si jamais arrive enfin le film tant espéré, une autre surprise vous attend une fois la salle plongée dans le noir : les films sont en version originale sous-titrés en japonais. En soi c’est plutôt une bonne nouvelle me direz-vous. Les dialogues doublés en japonais, il vous aurait été impossible de les comprendre, en revanche, des idéogrammes sur un écran de 300m² c’est quelque chose !
À chaque début de séance, c’est un vrai exercice de concentration que de réussir à gérer tous ces éléments. Pour le reste, une séance de cinéma à la japonaise, c’est un vrai plaisir. On réserve sa place en ligne, jamais de queue pour retirer les tickets (que personne ne prendra la peine de vérifier à l’entrée des salles). Une fois à l’intérieur, c’est le silence absolu (même si les Japonais adorent les plateaux-repas pendant leur séance). Enfin, niveau confort, on atteint le nec plus ultra, certaines salles proposant des « box premium » qui sont quasiment… des chambres! Pour plusieurs milliers de yens vous pouvez profiter d’un espace rien qu’à vous, avec canapé-lit, table et couette chauffante. Ça valait le coup d’attendre !