Un Alsacien au Japon – épisode 63
En grande pompe
Aujourd’hui c’est votre premier mariage au Japon. Un couple d’amis franco-japonais s’est dit « oui » en petit comité à la mairie, mais il s’agit maintenant d’organiser une cérémonie en grande pompe. Au Japon le mariage est, plus qu’ailleurs, un rite de passage obligatoire.
Garantie de crédibilité pour l’homme, sécurité financière pour la femme, le mariage est LE contrat à remplir avant 30 ans, au risque de ne pas voir sa carrière décoller ou d’être la risée des copines (surtout qu’ici, pas de bébé sans alliance). Un contrat qui coûte cher (environ 30 000€) et pour lequel les candidats sont même prêts à contracter des crédits. Avec de tels enjeux, le mariage est évidemment un business florissant, il existe même un catalogue épais comme un annuaire qui répertorie toutes les entreprises ayant trait, de près ou de loin, à cet événement, du fleuriste au coiffeur en passant par la styliste.
Avec une telle pression, impossible de gérer ça seuls, et les couples font immanquablement appel à des organisateurs. Le top de la mode à Tokyo, c’est de se marier à l’occidentale, voire même à la française (top du top) dans une réplique miniature de Notre-Dame, faux prêtre et sermon incompréhensible compris. Heureusement vos amis sont des amoureux qui ont bon goût et la cérémonie aura lieu dans une salle discrète d’un grand hôtel (autre option répandue ici).
Japonais d’un côté, Européens de l’autre
Rigueur japonaise oblige, tout a été plusieurs fois répété et mariés comme invités doivent suivre le protocole à la lettre. Une organisatrice est d’ailleurs là pour surveiller le bon déroulement du programme et donne des ordres à son équipe qui aiguille les invités et fait régner l’ordre. Pas de place à l’improvisation, tout doit être parfait on vous dit. Dans votre costume vous ne savez pas où vous mettre, c’est le cas de le dire (surtout qu’on vous a fait remarquer qu’habillé de la sorte, avec vos tatouages qui dépassent, vous faites très mafia locale). Avec la caporale qui gère ses troupes vous n’osez plus bouger. Tout le monde est là (Japonais d’un côté, Européens de l’autre) le piano joue la fameuse marche de Mendelssohn et les mariés font enfin leur entrée. Pas de costumes traditionnels donc, sauf pour la mère de la mariée, en second plan et qui éclipserait presque la robe blanche avec son magnifique kimono. On s’échange les alliances sous la surveillance de l’organisatrice qui nous indique quand applaudir et quand faire les photos.
Place à l’improvisation !
Place maintenant au dîner, on gagne le restaurant où là encore on a pris soin de séparer les nationalités dans un souci de conformité. Le père du marié nous fait un discours, partiellement réduit et à priori moins marrant une fois traduit en japonais (la censure a dû frapper au passage). Notre inspectrice des travaux finis est maintenant équipée d’un micro dont elle use à volonté pour nous décrire chaque plat, le tout entre-coupé d’injonctions à faire des photos. Fourchette et téléphone à la main, vous n’osez même plus discuter avec vos voisins et attendez qu’on vous donne la permission d’aller au buffet de fromages (mariage franco-japonais oblige). La soirée officielle se termine, un par un, on va remercier les mariés à leur table, puis l’on vous tend un grand sac rempli de cadeaux avant de vous montrer la sortie . De retour dans le hall, vous respirez enfin, les autres Français vous rejoignent et vous apprenez que la soirée commence en réalité maintenant, au bar de l’hôtel et sans G.O. Place à l’improvisation !